Procédé de traitement par fermentation anaérobie d'eaux résiduaires pour l'élimination des sulfates
La présente invention concerne un procédé de traitement, par fermentation anaérobie, d'eaux résiduaires en vue de l'élimination des sulfates qu'elles contiennent
On sait que la dégradation de la matière organique, présente dans les eaux résiduaires par digestion anaérobie, est réalisée par un écosystème complexe ayant pour phase uitime une fermentation se traduisant par la production de méthane Le rendement de l'épuration a laquelle sont ainsi soumises ces eaux dépend donc en particulier de l'efficacité de cette dernière phase
L'écosystème consiste en un mélange de genres bactériens commensaux, dont les matières organiques constituent la chaîne alimentaire, ce qui se traduit par leur destruction progressive On peut distinguer trois phases séparées, généralement simultanées dans les appareils de traitement ou coexistent a la fois les différents genres microbiens et des matières à différents stades de leur dégradation Ces trois phases sont respectivement l'hydrolyse-acidogenese, l'acetogenese, et la methanogénèse
Lors de la première phase réalisée par des bactéries extrêmement diverses mesophiles ou thermophiles, anaérobies strictes ou facultatives, les molécules complexes sont hydrolysees en molécules plus simples dénommées acides gras volatils (ou AGV) tels que l'acide lactique, l'acide acétique, l'acide propionique, l'acide butyrique et en composés gazeux tels que l'hydrogène et le gaz carbonique
La deuxième phase correspond à la transformation de ces acides organiques polycarbonés en acide acétique et elle est réalisée a l'aide de bactéries dites acetogenes qui produisent de l'hydrogène et du gaz carbonique
Enfin, la troisième étape constitue ia méthanisation au cours de laquelle les métabolites résiduels sont transformés en méthane par des bactéries méthanogènes anaérobies de deux espèces distinctes, les unes dites hydrogénophiles utilisant l'hydrogène et le gaz carbonique, les autres dites acétoclastes, utilisant l'acide acétique.
Lorsque, comme c'est souvent le cas, les eaux résiduaires contiennent des sulfates en plus des matières organiques, il se développe en leur présence une flore dite sulfato-réductrice. Celle-ci produit de l'hydrogène sulfuré (H2S) et perturbe le fonctionnement de l'écosystème épuratoire de la façon suivante :
- au cours de la deuxième phase, (l'acétogénèse) les bactéries sulfato-réductnces consomment une partie des AGV, au détriment des bactéries acétogènes, c'est-à- dire de la production d'acide acétique et donc de méthane. De plus, l'hydrogène sulfuré produit inhibe le fonctionnement des acétogènes si bien qu'une fraction des AGV peut échapper à la dégradation et subsister dans le liquide résiduaire à l'issue du traitement ;
- les bactéries sulfato-réductrices nuisent également à la troisième phase (la méthanogénèse) d'une part parce qu'elles consomment l'hydrogène et le gaz carbonique au préjudice des bactéries méthanogènes et d'autre part, parce que l'hydrogène sulfuré produit inhibe le fonctionnement des bactéries acétoclastes.
La présence de sulfates dans des effluents destinés à être épurés par fermentation méthanique risque donc de limiter les performances des réacteurs biologiques dans lesquels s'effectue cette fermentation.
Il est possible d'éviter les phénomènes d'inhibition en isolant physiquement des autres phases, la phase la plus sensible c'est-à-dire celle de formation du méthane (la méthanogénèse). Dans ce but, on a été amené à créer dans deux réacteurs séparés les conditions biologiques nécessaires à la réalisation des différentes étapes du processus.
Dans le second réacteur, l'effluent ainsi modifié subit d'autres modifications : en particulier, on peut y favoriser la fermentation méthanique.
Dans EP-A-241 999, est décrite une fermentation méthanique par passages successifs de l'effluent dans deux réacteurs à culture fixée. L'acidification se déroule dans le premier réacteur et elle est couplée à une réduction biologique des sulfates. L'effluent sortant du premier réacteur est débarrassé de l'hydrogène sulfuré par strippage au moyen d'un gaz inerte vis-à-vis du processus biologique dans un ouvrage intermédiaire ou colonne de strippage, avant d'être admis dans le second réacteur.
Cette solution connue nécessite une régulation du pH entre 6,5 et 6,7, de façon à favoriser la sulfato-réduction et le strippage de I' H2S à l'extérieur du réacteur, ce qui constitue une opération coûteuse et difficile à optimiser dans un ouvrage industriel, en particulier dans le cas où l'on utilise dans ce but de l'acide sulfurique qui accroît encore ia teneur en sulfates.
EP-A-0 418 121 décrit un procédé de traitement par fermentation anaérobie d'eaux résiduaires qui consiste à utiliser un réacteur unique à culture libre, infiniment mélangé, dans lequel on introduit au sein de ia biomasse qu'il contient un gaz neutre destiné au déplacement de l'H2S formé. L'expérience montre que ce procédé ne permet pas de résoudre le problème mentionné ci-dessus notamment en ce qui concerne l'absence de formation de méthane.
Partant de cet état de la technique, la présente invention se propose d'apporter un procédé de fermentation anaérobie des sulfates par une culture bactérienne libre, ce procédé étant mis en oeuvre dans un réacteur unique spécifique où s'effectue l'étape d'hydrolyse-acétogénèse en absence d'oxygène et sans formation de méthane.
Dans ce but, l'invention concerne un procédé de traitement, par fermentation anaérobie, d'eaux résiduaires, en vue de l'élimination des sulfates qu'elles contiennent, et sans méthanisation, avec strippage de l'hydrogène sulfuré produit,
au moyen d'un gaz inerte caractérisé en ce que ce procédé est mis en oeuvre dans un réacteur unique, du type à culture libre, infiniment mélangé c'est-à-dire à mélange intégral dans lequel s'effectue directement le strippage à l'aide d'un gaz inerte exogène introduit au sein de la biomasse, le temps de séjour de l'effluent dans le réacteur étant compris entre 2 et 48 heures et le pH du milieu s'auto-régulant à 6,7 ± 0,2.
Selon l'invention, le gaz neutre utilisé pour le strippage peut être de l'azote, de l'hélium, ou de l'argon.
Comme on le comprend, dans le réacteur selon la présente invention, on organise simultanément les réactions d'acidogénèse et de sulfato-réductions. La fermentation anaérobie des sulfates dans ce réacteur par une culture bactérienne libre est caractérisée par le fait qu'elle ne produit absolument pas de méthane. L'absence de méthane résulte de l'absence de bactéries méthanogènes. En effet, le temps de séjour de l'effluent dans le réacteur selon la présente invention, compris entre 2 et 48 heures est trop court pour permettre le développement de telles bactéries méthanogènes. Par ailleurs, de telles bactéries n'ont pas la possibilité de se fixer sur un support étant donné que le réacteur selon l'invention est du type à culture libre.
Les essais auxquels s'est livré la demanderesse sur un réacteur pilote selon la présente invention ont donné lieu à un gaz dont la composition est la suivante :
N2 = 60% CO2 = 30% H2S = 10%
Cette composition démontre clairement l'absence d'une phase de méthanisation dans le réacteur selon la présente invention.
Par ailleurs, on a constaté de façon absolument surprenante qu'en menant, selon l'invention, la fermentation anaérobie (Acidogénèse-sulfato-réduction) avec déplacement de IΗ2S formé au moyen d'un gaz inerte exogène (azote, hélium ou
argon) introduit dans le réacteur au sein de la biomasse, le pH du milieu s'établissait et s'auto-regulait a 6,7 ± 0,2 et que le taux de réduction des sulfates s'établissait aux environs de 80% alors que, en mettant en oeuvre les procédés connus, le pH variait dans des limites importantes, ce qui nécessitait des mesures coûteuses de contrôle de pH dans ie reacteur, par exemple des additions de soude ou de chaux, et le taux de conversion des sulfates ne dépassait pas 50%
On peut mettre en oeuvre le procédé selon l'invention au moyen, comme le montre la figure unique du dessin annexé, d'un réacteur a culture libre, infiniment mélange, c'est-à-dire du type à mélange intégral, constitué par une enceinte 1 dans laquelle l'effluent à traiter est amené dans le réacteur au sein de la biomasse 4 par l'intermédiaire d'une canalisation 2 et de laquelle il sort, épuré, par une canalisation 3
La biomasse se présente sous la forme d'une culture libre et celle-ci est constamment brassée par un organe 8 adapté, mue par un moteur 9
Selon l'invention, le strippage de l'hydrogène sulfuré produit dans le réacteur est effectué par une injection de gaz inerte (Azote, Hélium ou argon) directement dans le réacteur au sein de la biomasse. Cette caractéristique permet de provoquer une remontée du pH qui, d'une part favorise le déplacement de l'H2S de ia phase liquide vers la phase gazeuse et, d'autre part, favorise l'activité des bactéries sulfato- réductπces et donc l'élimination des sulfates. Comme on le voit sur le dessin, le gaz neutre est introduit dans l'enceinte 1 du réacteur, au sein de la biomasse 4, à l'aide d'une canalisation 5 Le départ de l'H2S entraîné par le gaz inerte par l'intermédiaire de l'évacuation 6 permet de diminuer la teneur en sulfures dissous jusqu'à des valeurs de l'ordre de 100 mg/l.
Il demeure bien entendu que l'invention n'est pas limitée aux différents modes de mise en oeuvre décrits ci-dessus mais qu'elle en englobe toutes les variantes