COMPOSITIONS POUR LE TRAITEMENT DE PATHOLOGIES FONCTIONNELLES DIGESTINES
La présente demande concerne des compositions et méthodes pour le traitement de pathologies intestinales. Elle concerne également des compositions et méthodes permettant de réguler la perméabilité paracellulaire de l'épithélium intestinal. Les compositions et méthodes de l'invention reposent notamment sur l'utilisation d'agents ou de conditions modulant l'ouverture des jonctions serrées de l'épithélium intestinal. L'invention est utilisable pour le traitement préventif ou curatif de pathologies variées, telles que les troubles fonctionnels digestifs (TFD), plus particulièrement les troubles fonctionnels intestinaux (TFI), et notamment le syndrome de l'intestin irritable (SU encore appelé « Irritable Bowel Syndrome », IBS), les hyperalgésies et autres douleurs abdominales, etc., chez les mammifères, notamment les humains.
L'épithélium intestinal est le centre d'échanges très importants entre le milieu extérieur et l'organisme. Ces échanges peuvent s'effectuer soit à travers les cellules de l'épithélium, soit par des réseaux parallèles. Ainsi, le transport d'eau ou d'électrolytes, ou encore l'absorption de petites molécules (poids moléculaire généralement inférieur à 1000 Da environ) au niveau de la muqueuse gastrique, intestinale ou colique, s'effectue par voie transcellulaire, à travers les cellules épithéliales ou entérocytes. Par contre, l'absorption de grosses molécules et le passage d'antigènes, de toxines ou de cellules immunitaires se fait principalement par voie paracellulaire, au niveau de «jonctions serrées », qui sont disposées entre les cellules épithéliales.
Les jonctions serrées (« JS ») épithéliales (ou « tight junction », « TJ ») sont des structures de liaison entre les cellules bordant les épithéliums muqueux (tube digestif, poumons). Ces structures assurent et contrôlent le transport trans- epithélial paracellulaire, de l'extérieur vers la sous-muqueuse, de
macromolécules variées (allergènes, irritants, toxines, microorganismes). Ces structures permettent également la migration de cellules immunitaires (e.g., immunocytes) vers l'extérieur (tube digestif). Les jonctions serrées sont des structures souples constituées d'un assemblage complexe de protéines transmembranaires (occludines, claudines) et de protéines cytoplasmiques (protéines zona ocludens ZO-1, ZO-2, ZO-3, protéines AF7, cinguline ou 7H6, etc.), qui sont associées à des éléments du cytosquelette (filaments de myosine, d'actine, etc.).
Parmi les troubles fonctionnels digestifs, on distingue les douleurs abdominales sans trouble de l'élimination et les troubles fonctionnels intestinaux. Les douleurs abdominales sans trouble de l'élimination peuvent être provoquées par des allergies ou des intolérances alimentaires ou se manifester dans le cadre de la maladie cœliaque par exemple. Les troubles fonctionnels intestinaux affectent 15 à 20% de la population et se traduisent par des symptômes dyspeptiques et/ou intestinaux pour lesquels aucune cause organique n'a jusqu'ici été identifiée et qui nécessitent un traitement spécifique. La caractéristique commune des troubles fonctionnels digestifs répondant aux critères de ROME est la douleur abdominale, présente en période postprandiale, qu'elle soit localisée en partie haute (dyspepsie) ou en partie basse de l'abdomen. Un trouble particulier qui affecte la partie basse de l'abdomen est le Syndrome de l'Intestin Irritable (SU). La douleur des troubles fonctionnels intestinaux est le plus souvent soulagée par la défécation. La physiopathologie des troubles fonctionnels digestifs (TFD) est mal connue mais les récentes investigations cliniques montrent l'existence chez ces patients d'un abaissement du seuil de perception douloureuse à la distension (hyperalgésie viscérale) traduisant un état d'hypersensibilité digestive. Celui-ci semble relever en premier lieu d'une sensibilisation de mécanorécepteurs pariétaux par des médiateurs pro-inflammatoires. En effet l'existence de modifications de structure ou de densité de certaines cellules du système immunitaire au niveau de la sous-
muqueuse en particulier du colon plaide en faveur d'une altération de l'équilibre immunitaire avec la microflore résidente. Cet état micro-inflammatoire digestif favorise la sensibilisation des terminaisons des neurones afférents primaires et cette sensibilisation pourrait conduire à une facilitation secondaire de la transmission, vers le cerveau, des messages à caractère nociceptif.
Un tel processus de sensibilisation de l'intestin à la douleur peut être induit par des facteurs tels que le stress, des pathogènes, des allergènes, des enzymes de type trypsine ou tryptase par exemple, des sels biliaires, des xénobiotiques, des molécules chimiques de type glycérol, TNBS ou taurocholate par exemple et/ou des séquelles résultant d'une infection ou d'une opération chirurgicale. Toutefois, les mécanismes par lesquels ces facteurs sont capables d'initier le phénomène de sensibilisation ne sont pas clairement documentés in vivo. Lorsque des allergènes, des pathogènes et/ou des molécules chimiques par exemple sont absorbés, ils entrent en contact avec la paroi épithéliale intestinale qui empêche leur introduction dans l'organisme et leur mise en contact avec les cellules de l'immunité. Toutefois, pour qu'une sensibilité se développe, cela implique que certains allergènes, pathogènes et/ou molécule chimique sont capables de traverser cet epithelium pour interagir avec les cellules immunitaires. Les conditions dans lesquelles ce transfert est possible demeurent peu documentées in vivo. Ainsi, bien que certains rapports suggèrent, sur des cultures de cellules in vitro, un rôle des jonctions serrées dans ce processus, aucune démonstration n'a été apportée de l'implication de ces jonctions in vivo dans le développement d'une sensibilisation. De même, si Coremans et al (Ital J Gastroenterol 1991 (8) S 1 :39-40) suggèrent un lien entre les sels biliaires, perfusés par voie intra-colique, et les douleurs abdominales d'un sujet présentant un intestin irritable, aucun résultat présenté n'établit de corrélation entre les jonctions serrées et un processus de sensibilisation à la douleur de l'épithélium intestinal. Si la malabsorption des sels biliaires n'est observée que dans une faible proportion des sujets présentant un intestin irritable, des altérations de la
perméabilité trans-epithéliale sont décrites chez les sujets développant un SU après gastro-entérite (SPILLER et al. Gut 2000 ; 47 : 804-11) mais sans qu'il soit fait mention de modifications de la perméabilité paracellulaire laquelle n'est pas étudiée. Une corrélation entre le syndrome de l'intestin irritable et la présence accrue de microorganismes au niveau de la sous-muqueuse a été mise en évidence au travers d'études expérimentales (AGA. 1999), de même qu'un lien a pu être constaté entre les maladies inflammatoire chroniques de l'intestin ou les troubles fonctionnels intestinaux et des modifications du degré d'activation immunitaire (inflammation) de la paroi intestinale. Cependant, ces observations préliminaires n'ont pas été confirmées ou n'ont pas donné lieu à de nouvelles approches thérapeutiques.
La présente invention résulte de la mise en évidence d'un rôle in vivo des jonctions serrées de l'épithélium intestinal dans le processus de sensibilisation à la douleur. L' "ouverture" des jonctions serrées de l'épithélium du colon par différentes molécules ou par le stress entraîne une hyperalgésie spontanée ou une hypersensibilité à la distension (état caractéristique de 1TB S). Les résultats obtenus dans le cadre de la présente invention établissent ainsi pour la première fois et de façon surprenante que l'ouverture des jonctions serrées provoque un état d'hyperalgésie retardé durable. La présente invention découle également de la mise au point de nouvelles stratégies thérapeutiques pour le traitement de pathologies intestinales, basées sur une modulation de la perméabilité paracellulaire de l'épithélium intestinal. En particulier, la présente invention propose, pour la première fois, une approche thérapeutique des pathologies intestinales basée sur l'emploi de composés ou conditions permettant de contrôler l'ouverture des jonctions serrées de l'épithélium intestinal. Ainsi, ces composés ou conditions permettent de moduler la tension du cytosquelette des cellules épithéliales intestinales ou de réguler directement, de préférence diminuer, voire bloquer, l'ouverture des jonctions serrées de l'épithélium intestinal. Cette
approche permet donc de contrôler l'ouverture et la fermeture des jonctions serrées de l'épithélium intestinal, sans nécessairement recourir à une synthèse protéique de novo et/ou à des dégradations protéiques et/ou structurales importantes au niveau de l'épithélium. Cette stratégie permet de réguler la perméabilité de l'épithélium intestinal de manière spécifique, fine et réactive, et ainsi d'agir sur le transfert d' allergènes, de pathogènes et/ou de molécules chimiques vers les cellules de l'immunité. Cette stratégie est particulièrement adaptée à l'obtention d'un effet biologique rapide et contrôlable dans le temps (réversible).
A cet égard, les résultats présentés ci-dessous montrent qu'une substance susceptible de relâcher les jonctions serrées épithéliales (peptides activateurs du récepteur PAR-2) déclenche une hyperalgésie retard et une hypersensibilité à la distension. De même la perfusion intracolique de sels biliaires (taurocholate par exemple) augmente le passage des macromolécules en ouvrant les jonctions serrées et s'accompagne du même état d'hyperalgésie retard. Enfin le stress de contrainte augmente la perméabilité des jonctions serrées et entraîne un état d'hyperalgésie rectale. Les résultats présentés dans les exemples montrent également que dans tous les cas (peptide activateur du PAR-2, taurocholate ou stress) la suppression de cette augmentation de la perméabilité paracellulaire par un agent chimique (TAP par exemple), qui se fixe au niveau des jonctions serrés et bloque les jonctions serrées, ou par des molécules relâchant le cytosquelette des cellules épithéliales (ML-7, PD98059) supprime ou réduit cette hyperalgésie caractéristique des TFD et en particulier des SU.
Un premier objet de l'invention réside donc plus particulièrement dans l'utilisation d'un composé contrôlant l'ouverture des jonctions serrées de l'épithélium intestinal, pour la préparation d'un médicament destiné au traitement préventif ou curatif des pathologies intestinales caractérisées par un état d'hyperalgésie.
Un autre objet de l'invention réside dans une méthode de traitement préventif ou curatif de pathologies intestinales caractérisées par un état d'hyperalgésie, comprenant l' administration à un sujet d'une quantité efficace d'un composé contrôlant l'ouverture des jonctions serrées de l'épithélium intestinal.
Les composés contrôlant l'ouverture des jonctions serrées de l'épithélium intestinal sont en particulier des composés qui modulent la tension du cytosquelette de cellules épithéliales intestinales ou des composés qui diminuent, voire bloquent, l'ouverture des jonctions serrées de l'épithélium intestinal.
L'invention repose ainsi sur l'utilisation de composés modulant la tension et l'état de contraction du cytosquelette des cellules de l'épithélium intestinal ou empêchant une ouverture trop importante des jonctions serrées qui aboutit à une hyperalgésie ou à une hypersensibilité à la distension de l'intestin.
Les protéines composant les jonctions serrées sont associées au cytosquelette des cellules qu'elles relient. Il est proposé dans le cadre de l'invention que la tension du cytosquelette ou l'ouverture des jonctions serrées puisse être modulée chez des sujets atteints de maladies ou désordres intestinaux pour agir de manière non destructrice et transitoire sur la perméabilité de leur epithelium intestinal. Ainsi, la contraction du cytosquelette doit favoriser l'ouverture des jonctions serrées, tandis qu'un relâchement du cytosquelette (ou qu'une inhibition de la contraction) doit favoriser la fermeture des jonctions. Il est possible également de moduler directement les jonctions serrées, en particulier sur les protéines les constituant, en diminuant ou en bloquant leur ouverture.
On utilise donc préférentiellement dans le cadre de l'invention des composés (ou conditions) qui modulent la contraction du cytosquelette de cellules épithéliales intestinales (notamment humaines) ou qui contrôlent directement l'ouverture des jonctions serrées de l'épithélium intestinal (notamment humain). Selon la
condition à traiter, on utilise des composés qui inhibent la contraction du cytosquelette de cellules épithéliales intestinales, ou qui activent ou favorisent celle-ci ou des composés qui diminuent ou bloquent directement l'ouverture des jonctions serrées ou qui augmentent l'ouverture de celles-ci.
L'activité du composé modulant l'ouverture des jonctions serrées de l'épithélium intestinal, notamment par modulation de la tension du cytosquelette, peut être directe ou indirecte, c'est-à-dire dirigée sur les constituants mêmes du cytosquelette ou sur des régulateurs de sa tension. Bien que non limitatif, on préfère les composés agissant de manière directe sur la tension du cytosquelette. En outre, on préfère également des composés présentant une activité sélective sur la tension du cytosquelette, c'est-à-dire typiquement des composés qui n'affectent pas directement la structure des protéines constitutives des jonctions serrées.
Un composé est considéré comme modulant la tension du cytosquelette lorsqu'il module l'ouverture des jonctions serrées. Un effet inhibiteur de la contraction ou de la tension des filaments d'actine et/ou de myosine ne doit pas nécessairement être complet ou total, mais il suffit qu'il diminue la contraction ou la tension du cytosquelette suffisamment pour réduire l'ouverture des jonctions serrées.
La réduction de l'ouverture des jonctions serrées correspond préférentiellement à une diminution minimale d'environ 25%, avantageusement d'environ 30%, de façon encore plus préférée d'environ 50% de la perméabilité paracellulaire de l'épithélium intestinal. La perméabilité paracellulaire peut être mesurée à l'aide d'un marqueur tel que le 51Cr-EDTA lequel après son passage dans le sang est mesuré dans les urines pendant 24 heures (cf. : exemple 1).
Différents types de composés peuvent être utilisés dans le cadre de la présente demande. Ainsi, au sens de l'invention, le terme « composé » doit être pris dans
un sens large, c'est-à-dire comme désignant tout agent, substance, composition, condition, traitement ou procédé permettant de moduler l'ouverture des jonctions serrées de l'épithélium intestinal. Il s'agit avantageusement d'un agent (e.g., d'une molécule) ou d'une combinaison ou association d'agents.
Selon un premier mode de réalisation, on utilise des composés modulant directement l'ouverture des jonctions serrées, notamment en se fixant, de préférence de manière réversible, sur les protéines constituant les jonctions serrées. On peut notamment comme exemple citer le TAP (2, 4, 6- triaminopyrimidine) .
Selon un autre mode de réalisation, on utilise des composés inhibiteurs (ou modulateurs) de la contraction ou de la tension de la chaîne légère de la myosine et/ou de l'actine, ou des composés inhibiteurs (ou modulateurs) de la dégradation de l'actine.
Des exemples de tels composés sont notamment des inhibiteurs de la kinase de la chaîne légère de la myosine (MLCK). Il est à noter que les travaux rapportés dans l'art antérieur portent plutôt sur l'utilisation de composés destinés à ouvrir les jonctions serrées au niveau intestinal, pour favoriser le passage de grosses molécules, alors que la présente invention vise plus préférentiellement à exercer une activité opposée, destinée à diminuer la perméabilité des jonctions.
Un exemple particulier d'inhibiteurs sélectif de MLCK est le composé ML-7 {1- (5-iodonaphtalène-l-sulfonyl)-lH-hexahydro-l,4-diazepine} (Makishima M. et al. FEBS Lett. 1991; 287: 175). D'autres exemples de tels inhibiteurs sont notamment le composé ML-9 (Wilson DP.et al. J Biol Chem. 2001; 13: 165) ou d'autres non sélectifs: Wortmannin (Warashina A. Life Sci 2000; 13: 2587-93), H-7 (Piao Zf et al. Mol Cell Biol Res Commun 2001 ;4: 307-12) et KT 7692 (Warashina A. Life Sci 2000;13: 2587-93).
D'autres cibles agissant sur la tension du cytosquelette sont notamment les protéines de liaison à la myosine, telles que par exemple la cinguline, ou les molécules de jonction, telles que la cadherine-E, la catenine-α ou les desmosomes. La modulation de l'activité ou de l'expression de ces protéines permet de réguler la tension du cytosquelette, dans le cadre de la présente invention.
Un objet particulier de l'invention réside donc dans l'utilisation d'un modulateur (notamment d'un inhibiteur) de l'activité ou de la structure ou de l'expression des molécules du cytosquelette. Le composé peut être par exemple un acide nucléique antisens, une molécule synthétique, un fragment d'anticorps, etc.
Selon un autre mode de réalisation, on peut utiliser des composés inhibiteurs de la synthèse de protéines ou autres molécules assurant la liaison entre les protéines du cytosquelette et les protéines des jonctions serrées. Parmi les protéines des jonctions serrées, on peut citer notamment les protéines occludines, claudines, ZO-1, ZO-2, ZO-3, AF7 et 7H6. Un moyen selon l'invention de moduler l'ouverture ou la fermeture des jonctions serrées réside donc dans la régulation de la synthèse des protéines de liaison entre le cytosquelette et les protéines des jonctions serrées. En stimulant cette synthèse, il est attendu un renforcement des liaisons entre les jonctions serrées et le cytosquelette, conduisant à une plus faible perméabilité de l'épithélium.
D'autres composés utilisables dans le cadre de l'invention sont par exemple des inhibiteurs de kinases activées par les mitogènes (MAPKK), notamment de la kinase MEK1 ou de la kinase-PI3, tels que les composés PD098,059 {2-(Amino- 3-methoxyphenyl)-4H-l-benzopyran-4-one}(Alessi et al. J.Biol.Chem.1995; 270, 27589) ou LY294002 {2-(4-Mo holinyl)-8-phenyl-l(4H)-benzopyran-4-one} (Nlahos et al.J.Biol.Chem 1994;269: 5241).
D'autres molécules utilisables pour réguler, de manière indirecte, la tension du cytosquelette, sont des facteurs de croissance, tels que le facteur de croissance hépatique (HGF), le facteur de croissance endothélial (EGF) ou certaines cytokines susceptibles d'être libérées par les immunocytes, telles que les interleukines-1, -4, -13, ou les facteurs tels que IGF-1 ou l'interféron gamma.
Une autre approche permettant de réguler de manière indirecte la tension du cytosquelette repose sur l'utilisation du peptide GLP2 (« glucagon-like peptide 2 ») ou de ses dérivés, qui peuvent modifier la perméabilité de l'épithélium intestinal par un effet indirect sur la contraction du cytosquelette. De même, certaines molécules agissant sur des récepteurs situés au pôle apical des cellules épithéliales (ex: récepteurs aux protéinases; PAR-2) peuvent agir indirectement sur le cytosquelette.
Un mode préféré de mise en œuvre de l'invention comprend l'utilisation d'agents agissant de manière directe sur la tension du cytosquelette, notamment de molécules inhibitrices de la contraction du cytosquelette, en particulier de molécules inhibitrices de la contraction ou de la tension des chaînes légères de myosine et/ou d'actine, ou inhibitrices de la dégradation de l'actine.
Comme indiqué ci-avant, les composés utilisés sont avantageusement des molécules, qui peuvent être sous forme isolée ou sous forme de combinaison, d'extraits biologiques, etc. Ces molécules peuvent être synthétiques, semi- synthétiques ou biologiques, notamment d'origine animale, virale, végétale ou bactérienne.
La présente invention peut être utilisée pour le traitement ou la prise en charge de pathologies ou désordres du système digestif caractérisés par un état d'hyperalgésie, notamment de troubles fonctionnels intestinaux, de maladies
inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI), d'intolérances alimentaires (allergies, conditionnements, etc.) caractérisées par une douleur viscérale chronique. Elle est particulièrement adaptée au traitement préventif ou curatif des hyperalgésies et en particulier du syndrome de l'intestin irritable (SU) quelque soit sa forme (constipation, diarrhée ou une combinaison des deux), mais également de douleurs viscérales chroniques n'entrant pas dans le cadre du SU, telles que les douleurs abdominales fonctionnelles sans trouble de l'élimination fécale (F APS : Functional Abdominal Pain) et les douleurs liées aux intolérances alimentaires et à la maladie cœliaque. Elle est utilisable de manière préventive chez des sujets présentant des prédispositions ou une sensibilité à ce type de désordres, ou de manière curative, par exemple lors de crises ou sur des périodes plus longues. Les compositions et méthodes de l'invention permettent de réduire la souffrance des sujets, d'atténuer les symptômes ou la cause de ces désordres.
La présente invention démontre en effet de façon surprenante que la suppression de l'augmentation de la perméabilité paracellulaire associée à l'ouverture des jonctions serrées empêche l'apparition de l'hyperalgie viscérale.
Un objet particulier de l'invention réside dans l'utilisation d'un composé tel que défini ci-avant pour la préparation d'un médicament destiné à contrôler, notamment à réduire, la perméabilité paracellulaire de l'épithélium intestinal chez des sujets atteints de maladies intestinales caractérisées par un état d'hyperalgésie, notamment de maladies inflammatoires chroniques caractérisées par une accumulation, dans la couche sous-muqueuse, d'immunocytes (par exemple de mastocytes et/ou de cellules entérochromaffines), par une sensibilité accrue des mécanorécepteurs pariétaux et éventuellement par une infiltration de bactéries du colon dans la couche sous-muqueuse, par exemple les hyperalgésies et notamment le syndrome de l'intestin irritable.
Un autre objet particulier de l'invention réside dans l'utilisation d'un composé tel que défini ci-avant pour la préparation d'un médicament destiné à réduire la sensibilisation aux allergènes, pathogènes et/ou molécules chimiques chez des sujets atteints ou sensibles aux maladies fonctionnelles intestinales, notamment aux affections intestinales caractérisées par une accumulation, dans la couche sous-muqueuse, d'immunocytes, notamment par exemple de mastocytes et/ou de cellules entérochromaffines, par une sensibilité accrue des mécanorécepteurs pariétaux et éventuellement par une infiltration de bactéries du colon dans la couche sous-muqueuse, par exemple les hyperalgésies et notamment le syndrome de 1 ' intestin irritable.
Un autre objet particulier de l'invention réside dans l'utilisation d'un composé tel que défini ci-avant pour la préparation d'un médicament destiné à réduire la migration transépithéliale d'immunocytes et l'accumulation d'immunocytes dans la couche sous-muqueuse de sujets atteints d'une pathologie fonctionnelle intestinale, notamment d'une affection intestinale induisant une hyperalgésie viscérale, par exemple le syndrome de l'intestin irritable, caractérisée par une accumulation, dans la couche sous-muqueuse d'immunocytes, notamment de mastocytes et/ou de cellules entérochromaffines, par une sensibilité accrue des mécanorécepteurs pariétaux et éventuellement par une infiltration de bactéries du colon dans la couche sous-muqueuse.
L'invention est également relative à des méthodes de traitement des conditions indiquées ci-dessus, comprenant l'administration à un sujet atteint d'une pathologie intestinale ou sensible aux pathologies intestinales, d'un composé ou traitement tel que défini ci-avant. De préférence, le composé ou traitement est administré dans une dose efficace pour réduire la perméabilité paracellulaire de l'épithélium intestinal et/ou pour réduire la sensibilité à la douleur et/ou pour réduire la migration transépithéliale d'allergènes, de toxines, d'irritants ou de
microorganismes et ainsi l'accumulation d'immunocytes dans la couche sous- muqueuse de l'intestin.
Le composé peut être administré par différentes voies et sous différentes formes. Ainsi, le composé peut être sous forme liquide ou solide, typiquement sous forme de comprimé, gélule, ampoule ou soluté buvable, solution injectable, etc. On préfère des composés formulés sous une forme administrable par voie orale (solutés buvables, comprimés, ampoules, sirops, etc.) ou rectale. Le conditionnement en suppositoire est particulièrement préféré, lorsque cela est possible. Bien entendu, d'autres formes d'administration sont possibles, comme des injections (intrapéritonéale, intradermique, sous-cutanée, intramusculaire, intraveineuse, intra-artérielle, etc.), des pâtes, gels, etc.
Les composés peuvent être utilisés seuls ou en combinaisons et/ou en association avec d'autres agents actifs, comme par exemple d'autres substances actives utilisées dans le traitement du syndrome de l'intestin irritable. On peut citer par exemple les composés anti-cholinergiques, les prokinétiques, les anti- diarrhéiques, les modificateurs de la motricité digestive, etc. Ces différents agents peuvent être utilisés en combinaison thérapeutique, et administrés sous forme séparée, combinée, étalée dans le temps ou concomitante.
Un autre objet de l'invention réside dans un produit ou une association pharmaceutique comprenant au moins un composé modulateur de l'ouverture des jonctions serrées de l'épithélium intestinal et au moins un autre agent actif sélectionné parmi les composés anti-cholinergiques, les substances prokinétiques, les anti-diarrhéiques, les laxatifs ou les modificateurs de la motricité, de la viscéro-sensibilité (ou de la sensibilité digestive), en vue d'une utilisation combinée, séparée ou espacée dans le temps.
Un autre objet de l'invention réside dans une composition pharmaceutique comprenant au moins un composé modulateur de l'ouverture des jonctions serrées de l'épithélium intestinal et un excipient acceptable sur le plan pharmaceutique, ladite composition étant formulée préférentiellement pour une administration par voie orale ou rectale. De préférence, la composition se présente sous forme de suppositoire, ou sous forme de solution buvable.
D'autres aspects et avantages de la présente invention apparaîtront à la lecture des exemples qui suivent, qui doivent être considérés comme illustratifs et non limitatifs.
LEGENDES DES FIGURES
Figure 1 : Influence de doses croissantes d'un peptide activateur des récepteurs PAR-2 (SLIGRL) sur l'absorption d'une macromolécule (5lCr-EDTA) évaluée par le pourcentage retrouvé au niveau des urines collectées pendant 24h chez le rat.
Figure 2 : Influence de l'administration concomitante d'un bloqueur de « JS » (TAP-100 mM) sur l'augmentation de la perméabilité paracellulaire au 51Cr- EDTA induite par l'injection intracolique de SLIGRL (0,5 mg/rat). Cette augmentation est supprimée par la perfusion (lOh ) d'une solution de 2, 4, 6 triaminopyrimidine (TAP) qui bloque les jonctions serrées (JS).
Figure 3 : Suppression, grâce à un bloqueur des « JS » (TAP- 100 mM), de l'hypersensibilité rectale à la distension induite par le SLIGRL (0,2 mg).
Figure 4 : Influence de la perfusion intracolique d'un bloqueur de « JS » sur l'hyperalgésie rectale à la distension induite par un stress de contrainte chez le rat femelle.
Figure 5 : Effets de l'administration répétée d'un inhibiteur de la MLCK sur l'hyperalgésie rectale induite par administration intracolique de SLIGRL (200 μg) chez le rat. En ce qui concerne l'hyperalgésie induite par le SLIGRL, seules les administrations répétées de ML-7 (3 doses lmg/kg à 12h d'intervalle) réduisent l'hyperalgésie pour tous les volumes de distension.
Figure 6 : Effets de l'aclministration répétée d'un inhibiteur de la MLCK sur l'hyperalgésie rectale induite par l'administration intracolique de SLIGRL (200 μg) chez le rat. En ce qui concerne l'hyperalgésie induite par le SLIGRL, seule radministration de PD 098 059(1 dose de 3mg/kg) réduit l'hyperalgésie pour tous les volumes de distension.
Figure 7 : Comparaison des effets du ML-7 et du PD 98059 sur l'augmentation de la perméabilité des jonctions serrées épithéliales induite par un activateur des récepteurs PAR-2 (SLIGRL) chez le rat. Des mesures de perméabilité colique réalisées selon la technique et dans les conditions décrites dans l'exemple 1, ont montré, sur 6 lots de rats, qu'aux doses réduisant la douleur viscérale, les inhibiteurs de MLCK direct (ML-7) ou indirect (PD 98059) suppriment l'augmentation de la perméabilité des jonctions serrées induites par le SLIGRL.
Figure 8 : Influence d'une administration unique d' un MLCK inhibiteur (ML-7) sur l'augmentation de la réponse nociceptive induite par le taurocholate administré par voie colique chez le rat.
Figure 9 : Effet du ML-7 sur l'augmentation de la perméabilité des jonctions serrées épithéliales induite par le taurocholate chez le rat. Des mesures de perméabilité colique réalisées selon la technique et dans les conditions décrites dans l'exemple 1, ont montré, sur 6 lots de rats, qu'aux doses réduisant la douleur
viscérale, ML-7 (inhibiteur de MLCK direct) supprime l'augmentation de la perméabilité des jonctions serrées induite par le taurocholate.
Figure 10 : Influence d'un inhibiteur de la contraction du cytosquelette des cellules épithéliales coliques agissant sur la MLCK (ML-7) sur l'hypersensibilité colique à la distension induite par un stress de contrainte chez le rat (moyenne ± sem, n=8).
Figure 11 : La kinase de la chaîne légère de la myosine (MLCK) et la myosine phosphatase (MP) agissent dans une direction opposée pour permettre la contraction puis la relaxation de la chaîne légère de la myosine du cytosquelette des cellules épithéliales (Fukata et al 2001).
Figure 12 : Cibles moléculaires permettant de réduire la contraction de la chaîne légère de la myosine (MLC) des cellules épithéliales (Fukata et al 2001).
CPI : Protéine inhibitrice à l'état phosphorylé de la myosine phosphatase.
MBS : Sous-unité de liaison de la myosine.
MP : Myosine phosphatase.
M20: Sous-unité de 20 Kda Cat : Sous-unité catalytique de la myosine phosphatase.
GEFs : Facteurs d'échange des nucléotides guanine.
AA : Acide arachidonique.
Ins (1,4,5) P3 : Inositol (1,4,5) triphosphate.
PLC: Phospholipase C. SR: Réticulum sarcoplasmique.
EXEMPLES
Exemple 1 : Réduction de l'hyperalgésie rectale à l'aide d'un bloqueur des jonctions serrées.
L'épithélium intestinal possède des structures de liaison des cellules épithéliales qui assurent un passage contrôlé des immunocytes dans la couche sous- muqueuse de l'intestin. Cet exemple montre que certaines molécules connues pour leur effet d'augmentation de la perméabilité paracellulaire au niveau intestinal tel que le SLIGRL favorisent l'accumulation d'immunocytes dans la sous-muqueuse intestinale (mastocytes, cellules entérochromaffines) et que cet effet peut être prévenu (e.g., inhibé, réduit) par un traitement intracolique impliquant un bloqueur des jonctions serrées.
Pour réaliser cette étude, six lots de 8 rats mâles Wistar (200-250 g) ont été utilisés. Les animaux ont été munis d'un cathéter intracolique placé à demeure au niveau du côlon proximal (à 3 cm de la jonction caeco-colique). Au cours de ces essais, 4 lots de rats ont été perfusés par voie intracolique durant lOh avec une solution de 51Cr - EDTA (0.5 μc/h). Les animaux étant placés dans des cages individuelles, l'urine totale de 24h a été collectée et la mesure de sa radioactivité a permit d'évaluer la perméabilité de la muqueuse colique au 51Cr -EDTA. Des doses croissantes d'un peptide activateur du PAR-2 (SLIGRL) ont été injectées dans la lumière colique (lots 2, 3 et 4) au temps t = 0 (début de perfusion du 51Cr - EDTA) aux doses de 0,05, 0,2 et 0,5 mg/rat, le lot 1 recevant le solvant. La figure n°l montre l'augmentation dose-dépendante de la perméabilité au 5lCr- EDTA induite par le SLIGRL montrant son effet d'augmentation de la perméabilité paracellulaire.
Exemple 2 : Réduction de l'hyperalgésie rectale à l'aide de TAP.
Un stress de contrainte exercé pendant deux heures chez le rat femelle entraîne une hypersensibilité rectale à la distension. Il est également connu qu'un même
stress de contrainte augmente la perméabilité colique aux macromolécules (perméabilité paracellulaire).
Cette étude a été réalisée sur 3 lots de 8 rats femelles Wistar (225-250 g) équipés d'électrodes implantées dans les muscles striés de l'abdomen permettant l'enregistrement graphique des crampes abdominales. En outre les animaux ont été équipés de cathéters intracoliques. Au temps t = 0 les animaux sont soumis à un stress de contrainte de 2h et à la perfusion intracolique pendant cette même période soit du solvant du TAP (tris - lot 1) soit du TAP (100 mM) (lot 2), soit de tris avec un stress fictif (lot 3).
Les résultats montrent que le stress de contrainte (stress) augmente significativement le nombre de crampes abdominales (hyperalgésie) à tous les volumes de distension (0,4, 0,8 et 1,2 ml) et que cet effet est supprimé par la perfusion intracolique concomitante de TAP (figure 4).
Exemple 3 : Réduction de l'hyperalgésie rectale à l'aide de ML-7.
Le protocole appliqué est le même que celui décrit dans l'exemple 1 et porte sur 3x3 lots de 7-8 rats recevant une administration intracolique de SLIGRL (200 μg) ou de taurocholate (5 mM) mais traités au préalable par le ML-7 (MLCK inhibiteur) administré par voie intramusculaire. Les résultats présentés dans les figures 8 et 9 montrent qu'un traitement unique par le ML-7 à la dose de lmg/kg réduit l'hyparalgésie consécutive à radministration intracolique de taurocholate. Les résultats présentés dans les figures 5 et 7 montrent qu'un traitement unique par le ML-7 à la dose de lmg/kg réduit l'hyparalgésie consécutive à l'administration intracolique de SLIGRL.
Exemple 4 : Réduction de l'hyperalgésie rectale à l'aide de PD 98059.
Le protocole appliqué est le même que celui décrit dans l'exemple 1 et porte sur 3x3 lots de 7-8 rats recevant une administration intracolique de SLIGRL (200 μg) ou de taurocholate (5 mM) mais traités au préalable par le PD 98059 (MEK inhibiteur) administré par voie intramusculaire. Les résultats présentés dans la figure 6 montrent qu'un traitement unique par le PD 98059 à la dose de 3 mg/kg réduit l'hyparalgésie consécutive à l'administration intracolique de SLIGRL.
Exemple 5 : Réduction de l'hyperalgésie induite par le stress à l'aide de ML-
7.
L' exemple 2 concerne les effets d'un bloqueur chimique des jonctions serrées épithéliales sur l'hyperalgésie rectale consécutive à un stress. Dans l'exemple 5, un protocole identique à celui de l'exemple 2 a été utilisé mais les animaux ont été traités avec un inhibiteur de MLCK, le ML-7, réduisant la contraction du cytosquelette. Le ML-7 a été administré, comme dans l'exemple précédent, en 3 traitements (lmg/kglP) séparés de 12 heures, dans les 36h. précédant le stress. Nos résultats montrent que le ML-7 supprime l'hyperalgésie induite par le stress ce qui confirme l'intérêt de cibler l'enzyme MLCK pour traiter l'hypersensibilité colique chez l'homme (figure 11).