PROCEDE POUR ABAISSER LA RESISTANCE SPECIFIQUE A LA FILTRATION DE BOUES BIOLOGIQUES PROVENANT D'UNE STATION
D'EPURATION D'EAUX USEES.
L'invention concerne un procédé permettant d'abaisser la résistance spécifique à la filtration de boues biologiques en vue de faciliter leur déshydratation, et leur compactage par filtration mécanique. L'invention s'applique aux boues biologiques, c'est-à-dire aux boues issues de stations d'épuration d'eaux usées travaillant par voie biologique, ces boues se présentant généralement sous la forme de flocs bactériens (agrégats de micro-organismes éventuellement associés à un liant ou à des particules supports) ; le procédé de l'invention permet d'obtenir une déshydratation de la biomasse dans des conditions remarquables d'efficacité.
Les boues biologiques qui se présentent à la sortie des stations d'épuration biologique sous la forme de flocs très hydrophiles sont difficiles à déshydrater par les procédés de filtration mécanique généralement utilisés dans ce type d'application (filtration par pressage ou centrifugation, dont le coût à la tonne traitée est compatible avec l'application). On connaît des additifs pour améliorer cette déshydratation (chaux, polymères, FeCl3, oxydes simples, diatomée ....), mais la plupart de ces additifs sont peu efficaces : soit ils ne permettent pas d'obtenir de bons taux de siccité à la fin de la filtration, soit les quantités nécessaires sont relativement importantes ce qui représente un grave inconvénient dans cette application (augmentation notable des quantités de déchets solides produits). Les diatomées présentent une meilleure efficacité mais leur coût est élevé et elles possèdent un caractère abrasif préjudiciable aux équipements de transfert et de filtration (pompes, toiles filtrantes ....). On constate également que la plupart des additifs connus ont tendance à rendre les boues collantes, conduisant à un colmatage rapide des organes de filtration ; cet inconvénient est grave en pratique car il impose des opérations manuelles de "débatissage", décolmatage et nettoyage des organes de filtration, qui augmentent considérablement les coûts de mise en œuvre (coût de personnel et immobilisation des équipements). Par ailleurs, DE-A-4.025.063 décrit, dans son
exemple n° 6, un procédé consistant à ajouter à des boues biologiques issues de station d'épuration un silicate et un sulfate hydrophiles en vue de favoriser la déshydratation de celles-ci. Toutefois, comme précédemment, les quantités ajoutées sont importantes pour permettre l'obtention d'une certaine amélioration (quantités d'additifs permettant de mener à bien la filtration égales à 74 % ou à 124 % par rapport à la matière sèche initiale). Ces difficultés pour améliorer la déshydratation proviennent du fait que les boues biologiques sont des matières très spécifiques ; d'une part elles sont très hydrophiles et se caractérisent par une forte rétention des molécules d'eau ; d'autre part, leur état floculé (c'est-à-dire sous forme d'agglomérats bactériens) entraîne une "encapsulation" d'eau à l'intérieur même des flocs.
La présente invention vise à permettre de déshydrater des boues biologiques issues de station d'épuration avec une efficacité très améliorée, par mise en oeuvre de procédés de filtration mécanique classiques afin de bénéficier du faible coût de ce type de procédé rapporté à la quantité de matières traitées (comparé au coût d'autres procédés tels que déshydratation thermique ou sous vide par exemple).
Par "déshydratation", on entend l'étape spécifique ayant pour objet l'évacuation d'une partie de l'eau des boues biologiques (après, le cas échéant, clarification et épaississement).
L'efficacité d'un additif est classiquement qualifiée par la réduction de la "résistance spécifique à la filtration" à laquelle il conduit (résistance spécifique exprimée en m/kg ; cf test de filtrabilité sous vide défini dans le "Mémento Technique de l'Eau", 1989, 9ème Edition, Tome 1, DEGREMONT pages 372-373). L'objectif principal de l'invention est de fournir un procédé permettant d'abaisser significativement la résistance spécifique à la filtration des boues biologiques.
Un objectif de l'invention est ainsi d'autoriser une filtration mécanique efficace en ajoutant aux boues des quantités relativement faibles d'additifs afin d'éviter une augmentation trop importante des quantités de déchets solides produits.
Un autre objectif important est de réduire le caractère "collant" des boues déshydratées en vue de faciliter leur détachement des organes de filtration et éviter le colmatage de ces derniers.
Un autre objectif est de conduire après filtration à une bonne siccité avec des quantités de matière ajoutée beaucoup plus faibles que dans le cas de la plupart des procédés connus travaillant par filtration mécanique.
Un autre objectif est de fournir un procédé dont le coût de mise en œuvre est inférieur à celui des procédés par filtration mécanique utilisant des additifs minéraux connus. A cet effet le procédé visé par l'invention pour abaisser la résistance spécifique à la filtration de boues biologiques en vue de faciliter leur déshydratation et leur compactage par filtration mécanique, se caractérise en ce que :
• préalablement à la filtration mécanique, on ajoute aux boues biologiques des particules minérales composées d'espèces hydrophobes de silicate de magnésium et d'espèces hydrophiles de silicate de magnésium et d'aluminium et/ou de carbonate de magnésium et/ou calcium, en quantité comprise entre 0,05 et 0,4 kg par kg de matières solides sèches de boues,
• le rapport pondéral relatif (R) entre espèces hydrophobes et espèces hydrophiles étant compris entre 20/80 et 80/20,
• lesdites particules minérales ayant une répartition granulomètrique telle que le diamètre moyen D50 soit compris entre 3 et 30 microns,
• le rapport pondéral relatif (R) entre espèces hydrophobes et hydrophiles et le diamètre moyen D50 des particules étant ajustés de façon que les valeurs de ces paramètres soient situées dans la zone hachurée A du graphe de la figure 1.
Par "filtration mécanique", on entend toute opération visant à séparer l'eau des matières solides par un effet mécanique tel que passage des matières à travers un filtre-presse (filtre-presse à plateaux, filtre-presse à bandes
...) ou centrifugation des matières dans une centrifugeuse, en vue d'obtenir un
gâteau compacté présentant, au final, une concentration plus élevée en matières sèches.
Par diamètre moyen D50, on entend un diamètre tel que 50 % de particules en poids ont une taille inférieure audit diamètre, la répartition granulométrique ayant un spectre de largeur faible ou moyenne tel que 90 % des particules (D90) présentent une taille inférieure à 5 fois le D50.
On peut choisir comme espèces hydrophiles, soit du silicate de magnésium et d'aluminium, soit du carbonate de magnésium et/ou calcium, soit une association des deux. De préférence, on utilisera le silicate de magnésium et d'aluminium, seul ou en proportion très majoritaire. Selon un mode de mise en œuvre préféré, les particules qui sont ajoutées aux boues biologiques sont en particulier formées des deux espèces suivantes : silicate de magnésium hydraté, et silicate de magnésium et d'aluminium hydraté (ces composés pouvant contenir des substitutions dans leur structure, essentiellement par du Fe). Ces particules peuvent en particulier être obtenues par un tri sélectif dans les carrières ou mines de talc où elles se présentent de façon naturelle dans certaines zones, les deux silicates étant généralement liés pour former des particules mixtes.
Les expérimentations ont permis de constater que, de façon inattendue, de telles particules minérales portant des sites hydrophobes et des sites hydrophiles dans le rapport relatif R et la granulométrie D50 qui sont définis par la zone A du graphe de la figure 1 conduisaient à une réduction remarquable de la résistance spécifique à la filtration des boues biologiques, et ce en utilisant des quantités de particules minérales très inférieures à celles nécessaires avec les additifs minéraux connus. A titre d'exemple, la siccité du gâteau solide compacté extrait d'un filtre-presse est supérieure ou égale à 48 % en utilisant une quantité de matière minérale de l'ordre de 5 à 6 fois inférieure à celle nécessaire lorsque l'on utilise de la chaux.
Il convient de souligner que le procédé de l'invention est compatible avec l'utilisation d'additifs connus (polymères notamment), l'effet des particules conformes à l'invention n'étant pas masqué par ces additifs.
L'explication de l'effet constaté est actuellement difficile à donner. Il semble que les espèces minérales hydrophiles agissent sur les boues en
concurrence avec l'eau pour réduire la stabilité des agglomérats matière organique/eau, cependant que les espèces hydrophobes ont un effet d'individualisation des nouveaux agrégats créés, effet qui facilite leur séparation de la phase aqueuse lors de la filtration mécanique. Les essais ont démontré que si l'on sortait des valeurs du couple de paramètres (rapport R, diamètre D50) précédemment définies, l'on n'obtenait plus cette action combinée des espèces hydrophobes et des espèces hydrophiles, l'amélioration ne se faisant alors qu'au prix d'une augmentation importante des quantités de silicates ajoutées (aucune explication convaincante n'est à ce jour avancée en ce qui concerne l'influence critique de la granulométrie). Il convient de souligner que les particules utilisées dans l'invention sont dotées d'une structure minérale stable et inerte, pourvue de sites hydrophobes (apportés par le silicate de magnésium) et de sites hydrophiles (apportés par le silicate de magnésium et d'aluminium et/ou le carbonate de magnésium et/ou calcium) : la présence de ces particules n'entraîne aucun risque de réactions parasites.
Il est à noter que US-5.759.403 décrit un procédé d'épuration d'eaux usées par voie biologique ayant pour objectif d'accroître les rendements d'épuration. Ce procédé conduit à une augmentation de l'activité des bactéries présentes et à une réduction significative des taux de pollution carbonée, azotée et/ou phosphatée des boues. Il n'est aucunement question de déshydratation et de filtration mécanique dans ce document antérieur : celui-ci qui vise donc un procédé de nature différente de celui de l'invention ayant des objectifs différents ne fournit aucun enseignement concernant le problème de l'invention et n'est aucunement susceptible de suggérer à l'homme du métier le procédé de l'invention pour abaisser la résistance spécifique à la filtration de boues biologiques.
Selon un mode de mise en œuvre avantageux, notamment dans le cas de la déshydratation de boues biologiques constituées de flocs bactériens d'une taille de l'ordre de 100 à 200 microns, on utilise des particules minérales dont les espèces hydrophobes et hydrophiles présentent un rapport pondéral relatif compris entre 40/60 et 60/40 et un diamètre moyen D50 compris
entre 5 et 15 microns ; la zone concernée a été délimitée en traits discontinus sur le graphe de la figure 1.
La quantité de particules minérales utilisées dans l'invention est inférieure à 0,4 kg par kg de matières solides sèches (seules les matières solides initiales à déshydrater étant prises en compte). En général cette quantité sera de l'ordre de 0,2 à 0,3 kg par kg ce qui est trois à six fois inférieur aux quantités ajoutées d'additifs classiques.
Dans le procédé de l'invention, la filtration mécanique peut être réalisée au moyen de tout équipement adapté pour opérer une déshydratation par une action mécanique, en particulier filtre-presse connu (filtre-presse à plateaux ou filtre-presse à bandes).
Les boues biologiques sont généralement amenées à séjourner, en sortie de la station d'épuration, dans une chambre de floculation qui est suivie par le filtre-presse. Les particules minérales à sites hydrophobes et à sites hydrophiles peuvent en particulier être ajoutées aux boues entre ladite chambre de floculation et ledit filtre-presse. Il est également possible d'ajouter ces particules dans la chambre de floculation.
L'invention est illustrée par les dessins annexés ; sur ces dessins : - la figure 1, déjà évoquée, est un graphe définissant les particules minérales utilisées dans l'invention par leurs paramètres R (rapport pondéral des espèces hydrophobes et espèces hydrophiles) et D50 (diamètre moyen des particules).
- la figure 2 schématise les équipements utilisés dans les exemples 1 et 2.
Pour illustrer les performances de l'invention, deux types de boues ont fait l'objet de mesure de leur résistance spécifique à la filtration (mesures effectuées dans les conditions des tests de filtrabilité précédemment évoqués). 1er cas : boues biologiques urbaine non conditionnées
Ces boues provenant d'une unité pilote de Laboratoire recevant des eaux usées de la ville de TOULOUSE (FRANCE) n'avaient fait
l'objet d'aucun conditionnement (boues provenant de l'épuration biologique prélevées directement à la sortie du clarificateur).
Pour les échantillons témoins, la résistance spécifique à la filtration a été mesurée pour la boue sans ajout. Le résultat obtenu était de 62.10 m/kg.
Au cours de quatre essais, des échantillons ont été traités conformément à l'invention en leur ajoutant, par kg de matières sèches, 0,3 ou 0,4 ou 0,5 ou 0,6 kg de particules constituées en poids de 50 % de silicate de magnésium hydraté et de 50 % de silicate de magnésium et d'aluminium hydraté, ces silicates étant liés dans les mêmes particules et sélectivement extraits de la carrière de la société TALC DE LUZENAC à LUZENAC en ARIEGE (FRANCE). Le diamètre moyen D50 de ces particules est de 9,8 microns et le D90 de 31 microns.
La résistance spécifique à la filtration mesurée était de
19 26.10 m/kg, soit plus de deux fois inférieure, pour les essais à 0,4, 0,5, et 0,6 kg/kg ; elle était de 35.1012 m/kg pour l'essai à 0,3 kg/kg. Le procédé de l'invention permet donc de prévoir un taux d'additif inférieur ou égal à 0,4 kg/kg tout en obtenant une amélioration significative.
2eme cas : boues biologiques industrielles conditionnées. Les mêmes mesures comparatives ont été effectués sur des boues biologiques industrielles conditionnées à la chaux et au FeCl3 (boues en provenance d'une unité d'épuration biologique de type "CLOISONYLE" (marque enregistrée), décantées puis épaissies en silo hersé - effluent de l'industrie chimique). La résistance spécifique à la filtration des échantillons témoins de cette boue était de 3.1.1O12 m/kg.
Après traitement au moyen des mêmes particules que dans le 1er cas et dans les mêmes proportions, la résistance spécifique à la filtration est dans tous les cas réduite à une valeur de 1.4.1012 m/kg. Par ailleurs, deux exemples comparatifs de mise en œuvre du procédé sont fournis ci-après. Ces exemples ont été mis en œuvre à la sortie d'une station d'épuration biologique.
La figure 2 schématise les équipements installés à la sortie de la station.
Les boues biologiques issues de la station sont d'abord soumises à une étape d'épaississement dans un épaississeur statique 1, puis elles sont admises dans une chambre de floculation 2 où sont ajoutés les additifs classiques. A l'exemple 1, les particules conformes à l'invention (et les diatomées de l'essai comparatif) sont ajoutées dans un mélangeur conditionneur 3 situé entre la chambre 2 et le filtre-presse 4. A l'exemple 2, les produits sont ajoutés dans la chambre de floculation 2. EXEMPLE 1
Dans cet exemple, on traite des boues d'une station d'épuration biologique (effluent de chimie fine, synthèse pharmaceutique) conditionnées au moyen de polymères et par ajout, d'une part, de diatomée en amont du filtre-presse (essai témoin), d'autre part, des particules conformes à l'invention (particules identiques à celles du 1er cas ci-dessus, avec les mêmes granulométries et les mêmes proportions relatives de silicate hydrophobe et de silicate hydrophile).
Le filtre-presse utilisé est un filtre-presse à bandes de type classique et les mêmes quantités de particules conformes à l'invention et de diatomées sont ajoutées dans les deux essais pour permettre la comparaison (quantité égale à 0,35 kg par kg de matières sèches).
Dans les deux cas, l'on obtient une très bonne siccité d'environ 28 % du gâteau compact. Les particules conformes à l'invention conduisent, à quantité comparable, aux mêmes performances de siccité que les diatomées, mais leur coût unitaire est deux fois moins cher et leur caractère non abrasif conduit à une réduction significative de l'usure du filtre-presse (toile des bandes filtrantes ayant une durée de vie beaucoup plus longue). De plus, on observe que la toile des bandes filtrantes est propre dans le cas de l'invention (couleur claire de la toile identique à celle d'une toile fraîchement nettoyée), alors que, dans le cas de diatomées, la toile est visible encrassée et présente une couleur brunâtre, caractéristique de la présence de particules de boues collées.
EXEMPLE 2
Dans cet exemple, on traite des boues biologiques sur filtre-presse à plateaux verticaux. Ces boues provenant d'effluents de chimie lourde sont conditionnées, dans une première série d'essais, uniquement au chlorure ferrique et à la chaux (essais témoins), et dans une seconde série, au chlorure ferrique et à la chaux et au moyen des particules conformes à l'invention (identiques au 1er cas).
Une addition d'autres boues est effectuée dans cet exemple avant l'admission dans le filtre-presse à plateaux.
Les conditions de traitement et les résultats obtenus pour une journée de traitement sont résumés dans le tableau ci-dessous pour les deux essais (MS = matières sèches).
La chaux et les particules conformes à l'invention ayant des prix unitaires du même ordre, le procédé de l'invention conduit aux avantages suivants : une économie sur les additifs (144 kg de particules conformes à l'invention remplacent 1000 kg de chaux),
une économie de frais d'évacuation (réduction de la quantité évacuée dans le cas de l'invention : 1 710 kg/jour).
De plus, dans le cas de l'invention, on constate que le gâteau solide se détache naturellement et totalement des plateaux sans nécessiter un raclage et un nettoyage. Au contraire, dans le témoin, le gâteau adhère fortement aux plateaux et nécessite un raclage manuel suivi d'un nettoyage (opérations classiques dites de débatissage). Ainsi, la présence des espèces conformes à l'invention a permis de masquer le caractère collant des boues (malgré l'emploi d'une certaine quantité de chaux et de chlorure ferrique, réputés pour conduire à des boues très collantes).