Procédé et dispositif de réduction de la production de boues de stations d' puration
La présente invention concerne un procédé et un dispositif de réduction de la production de boues des stations d'épuration des eaux usées urbaines ou industrielles .
On sait que l'épuration des eaux résiduaires par voie biologique consiste à utiliser, comme substrat, la pollution organique et azotée qui, d'une part se transforme en C02 et en N2 , et, d'autre part conduit à la croissance de la biomasse épuratrice. L'excédent de biomasse ainsi formée constitue ce qu'il est convenu d'appeler les boues biologiques en excès. Le traitement et l'évacuation finale de ces boues en excès constituent un enjeu majeur pour les aspects environnementaux et économiques. C'est ainsi, qu'avec une production annuelle de plus de 1 000 000 tonnes de matières sèches par an en ce qui concerne le traitement des eaux urbaines en France (pour l'année 2000) les boues produites par les stations d'épuration constituent une préoccupation grandissante exacerbée par les nouvelles contraintes réglementaires, environnementales, sanitaires, économiques et psychologiques .
L'interdiction de la mise en décharge des déchets non ultimes, les contraintes sévères pour la valorisation agricole (notamment vis-à-vis des métaux lourds et de certains composés organiques suspects) , la maîtrise des coûts et des risques de pollution atmosphérique de l'incinération vont peser lourdement sur l'élimination de ces déchets.
Par ailleurs, la forte teneur en matières organiques des boues produites lors de l'épuration des eaux usées urbaines ou industrielles, qui est typiquement de l'ordre de 65 à 80 %, leur confère un intérêt majeur et grandissant pour des applications en filières de digestion anaérobie. Ce type de traitement permet à la fois de réduire les volumes et de valoriser, d'un point de vue énergétique, la matière organique contenue dans les boues, grâce à la génération d'un biogaz riche en méthane .
La digestion anaérobie des boues d'épuration est un procédé bien connu de l'Homme de l'art qui a été très étudié au cours des vingt dernières années. Cependant, l'intérêt grandissant pour des procédés en accord avec la notion de développement durable, les pressions importantes sur les filières classiques d'élimination des boues et les efforts de recherche et d'optimisation consentis, font de la digestion anaérobie une technique d'avenir particulièrement adaptée pour le traitement des boues des stations d'épuration des eaux usées.
On connaît à l'heure actuelle de nombreuses variantes de configuration et de mise en œuvre des procédés de digestion anaérobie des boues. De façon simplifiée, il est possible de regrouper ces diverses variantes sous
trois grandes familles de procédés de digestion anaérobie :
Les procédés de digestion anaérobie mésophile (en une ou deux étapes) : lors de la mise en œuvre de ces procédés la température de fonctionnement se situe entre 30 et 40 °C, les temps de séjour hydraulique (TSH) couramment appliqués évoluent entre 15 et 25 jours et les charges volumiques mises en œuvre peuvent généralement varier entre 1,5 et 2,5 kgMV/m3. j . Dans cette configuration, la digestion anaérobie permet de réduire de 45 à 55 % la teneur en matière organique des boues.
Les procédés de digestion anaérobie incluant au moins une phase thermophile : pour ce type de mise en œuvre, le procédé est souvent décomposé en deux phases . La première phase est dite d'hydrolyse et d'acidification et la seconde phase est dite de méthanogénèse . Par rapport au procédé de digestion anaérobie mésophile mentionné ci- dessus, la conduite d'au moins une de ces étapes en condition thermophile, c'est-à-dire à une température de 50 à 60 °C, peut permettre un gain important sur les cinétiques de réaction et donc sur les temps de séjour hydraulique nécessaires (TSH global souvent inférieur à 15 jours) et permet également une augmentation des charges volumiques admissibles (CV = 2,5 à 4 kgMV/m3. j ) . Selon certains auteurs, la mise en œuvre d'une étape thermophile permet également de garantir une hygiénisation des boues (réduction des pathogènes) , une augmentation des taux d'élimination de la matière organique et une augmentation de la production de biogaz. Les procédés de digestion anaérobie mésophile ou thermophile mettant en œuvre une étape d'hydrolyse « assistée » : dans ces procédés, quel que soit le type
de digestion anaérobie mis en œuvre, l'étape de solubilisation et d'hydrolyse de la matière organique particulaire présente dans la boue est souvent considérée comme l'étape limitante dans le processus global de digestion des boues par voie anaérobie. Ainsi, de nombreux auteurs s' intéressant au domaine de la digestion anaérobie ont cherché à développer des techniques de prétraitement des boues permettant de promouvoir et de favoriser l'hydrolyse de la matière organique particulaire. Ces prétraitements peuvent être réalisés sous la forme de procédés thermiques, chimiques (par l'ozone, peroxyde d'hydrogène, par variation de pH) ou mécaniques (par broyage, désintégration par ultrasons...) . Dans ces diverses configurations, les auteurs revendiquent généralement des améliorations en ce qui concerne la réduction de matière organique, les cinétiques de réaction et le rendement de production de biogaz .
D'un point de vue général, les améliorations apportées aux procédés de digestion anaérobie grâce à l'utilisation d'une étape thermophile ou à la mise en œuvre d'un prétraitement d'hydrolyse de la matière organique permettent un gain significatif sur les cinétiques de réaction observées dans les conditions classiques de digestion anaérobie mésophile. Les résultats ainsi obtenus conduisent donc à des réductions significatives des temps de séjour hydraulique nécessaires à la digestion anaérobie. Cependant, les taux de conversion des matières organiques contenues dans la boue demeurent quasi identiques aux valeurs observées dans le cas du fonctionnement en digestion anaérobie mésophile, c'est-à-dire au maximum 55 à 60 %.
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Les problèmes actuels liés à l'élimination des boues des stations d'épuration des eaux usées confèrent également un grand intérêt aux technologies innovantes de réduction de la production de boues (RPB) des installations de traitement biologique des eaux résiduaires urbaines ou industrielles . Certaines de ces techniques de RPB sont basées sur le couplage entre un procédé à boues activées conventionnel et un traitement des boues installé en boucle sur le bassin d'aération. Le traitement associé peut être d'origine mécanique, chimique, thermique ou biologique et il repose souvent sur le couplage de plusieurs de ces techniques. Parmi ces dernières, l'association de l'étape de traitement de RPB par dégradation enzymatique thermophile (EP-A-924 168 et 1 008 558) en boucle sur le bassin biologique est très intéressante et conduit, pour certains procédés, à des réductions de production de boue significatives, au-delà de 80 % exprimé sur la matière sèche. Cependant, divers inconvénients sont inhérents à la mise en œuvre de ces procédés, à savoir :
- La mise en place d'un procédé de RPB, en boucle sur le bassin d'aération, se traduit par de nombreux impacts sur la conception, les performances et l'exploitation de l'ensemble de la station d'épuration (modification des concentrations en boues, de la vitesse de décantation, de la qualité d'eau traitée),
- La minéralisation par voie biologique aérobie de la matière organique rendue biodégradable par le traitement enzymatique thermophile conduit à une surconsommation d'oxygène au niveau du bassin d'aération.
- La possibilité de valorisation énergétique, inhérente à la conversion de la matière organique des boues en biogaz par voie biologique anaérobie est négligée.
La consommation de phosphore, qui participe à la synthèse de la matière vivante de la biomasse, est diminuée dans les mêmes proportions que la réduction de la production de boues. Cette fraction du phosphore reste donc sous forme soluble dans l'eau et nécessite, quand le rejet en milieu naturel l'impose, un traitement spécifique par précipitation physicochimique. Or, compte tenu des faibles concentrations à éliminer (de l'ordre de quelques mg/1) , le rendement de la réaction nécessite un très large excès de réactif de précipitation par rapport à la stœchiométrie . La production de boue de déphosphatation physico-chimique est alors très importante. Cette production de boue diminue d'autant l'intérêt global du procédé de RPB.
Conformément à la remarque précédente, l'efficacité d'une étape d'élimination du phosphore par voie biologique est réduite dans les mêmes proportions que la production de boue.
La présente titulaire a constaté, de façon particulièrement surprenante pour l'Homme de l'art, que l'application d'un stress enzymatique thermophile (60 à 70 °C durant 24 à 72 h) conduisait, en fonction des conditions du stress, à des solubilisations de 20 à 40 % de la matière organique et de 5 à 25 % de la matière minérale contenues dans les boues issues d'un procédé de digestion anaérobie mésophile, thermophile ou combinant les deux modes de fonctionnement.
Partant de cette constatation, la présente invention se propose de résoudre, à la source, les problèmes posés
par les procédés de réduction de la production de boue biologique et de lever les limitations intrinsèques des procédés de digestion des boues par voie anaérobie.
En conséquence, la présente invention apporte un procédé de réduction de la production de boues des stations d'épuration des eaux usées urbaines ou industrielles, par voie anaérobie, caractérisé en ce qu'il est indépendant de la ligne de traitement des eaux et en ce qu'il comporte au moins une étape aérobie de solubilisation biologique par voie enzymatique thermophile, associée à une étape de digestion anaérobie mésophile, thermophile ou associant ces deux modes de fonctionnement .
En ce qui concerne l'étape de solubilisation par voie enzymatique thermophile, on peut notamment mettre en œuvre la technique décrite dans EP-A-924 168 ou 1 008 558.
Selon l'invention, l'étape de solubilisation biologique par voie enzymatique thermophile peut être située en amont ou en aval de l'étape de digestion anaérobie mésophile ou thermophile, ou associant ces deux modes de fonctionnement. Selon un autre mode de mise en œuvre, elle peut être située en circuit dérivé, en parallèle avec ladite étape de digestion anaérobie mésophile ou thermophile.
Etant donné que, selon l'invention, le procédé de réduction de production de boue est mis en œuvre sur la filière de traitement des boues, il ne conduit pas à des modifications significatives du fonctionnement de la filière de traitement de l'eau. Par ailleurs, la matière organique solubilisée lors de l'étape biologique de solubilisation enzymatique thermophile étant dégradée par
voie anaérobie dans le procédé de l'invention, cette dégradation ne conduit pas à une surconsommation d'oxygène au niveau de la filière de traitement de l'eau et donc aucune augmentation de l'apport en oxygène sur cette ligne de traitement de l'eau.
Selon ces différents modes de mise en œuvre, la présente invention permet d'augmenter de 10 à 40 % la cinétique de production de biogaz ainsi que le rendement de dégradation des matières organiques contenues dans la boue par rapport à un procédé conventionnel de digestion anaérobie des boues .
La présente invention permet d'améliorer de manière significative la réduction de la concentration en microorganismes pathogènes dans la boue effluente et également une élimination partielle ou totale des micro-organismes filamenteux responsables du phénomène de moussage dans l'étape de digestion anaérobie.
Par ailleurs, la mise en œuvre du procédé de l'invention permet une amélioration de la siccité des boues comprise entre 10 et 30 % par rapport aux procédés classiques de digestion anaérobie.
Le procédé selon l'invention est énergétiquement auto-équilibré et, selon ces différents modes de mise en œuvre, une partie du biogaz produit lors de la digestion anaérobie des boues est utilisée comme source d'énergie pour chauffer ou maintenir en température (50 à 70 °C) le réacteur dans lequel s'effectue l'étape aérobie de solubilisation biologique par voie enzymatique thermophile . Selon la présente invention, le procédé peut comporter une étape de déphosphatation secondaire qui est mise en œuvre dans le circuit de réduction de la
production des boues, en complément de celle mise en œuvre dans la ligne principale de traitement de l'eau. Dans ce cas la pollution phosphoree est éliminée par précipitation chimique, par addition de sels métalliques et/ou de composés minéraux.
D'autres caractéristiques et avantages de la présente invention ressortiront lors de la description faite ci-après de différents modes de mise en œuvre. Au cours de cette description, on se réfère aux dessins annexés sur lesquels : les figures la à le représentent de façon schématique les différentes configurations possibles pour la mise en œuvre, selon le procédé objet de l'invention, du couplage de l'étape de solubilisation enzymatique thermophile et de l'étape de digestion anaérobie et la figure 2 est un schéma représentant une installation classique de RPB en boucle sur un bassin d'aération.
En se référant aux figures la à le, on voit que, selon les différentes configurations, un dispositif selon la présente invention comporte :
- Une installation de traitement biologique a faible, moyenne ou forte charge pouvant être réalisée sous la forme d'un réacteur à boues activées : zone anaérobie R, zone anoxie X, zone aérobie A et clarificateur secondaire C.
- Un dispositif d' épaississement des boues EP permettant d'atteindre des concentrations de 10 à 100 g MES /l
- Un réacteur de solubilisation thermophile enzymatique B dimensionné pour des temps de séjour de 4 à 96 h, maintenu à une température de 50 à 70 °C, pouvant être
chauffé grâce à l'utilisation du biogaz produit par la digestion anaérobie des boues.
- Un dispositif de digestion anaérobie des boues DA pouvant mettre en œuvre un procédé de digestion anaérobie mésophile, thermophile ou associant ces deux modes de fonctionnement (avec ou sans étape d' acidogénèse) .
- Un dispositif DH de déshydratation des boues digérées.
Un ou plusieurs dispositif mettant en œuvre des procédés de précipitation du phosphore DPI ou DP2 pouvant être basé sur la précipitation chimique du phosphore par addition de sels métalliques ou de composés minéraux (sels de calcium ou de magnésium) .
Selon les configurations illustrées par ces figures, le procédé objet de la présente invention, permet, par l'intermédiaire du traitement enzymatique thermophile, de limiter, dans l'étape de digestion anaérobie, les phénomènes de moussage dus à la présence de microorganismes filamenteux. Par ailleurs, ces configurations permettent d'améliorer de 1 à 10 % la siccité des boues résiduelles après traitement de déshydratation.
Dans une installation classique de RPB en boucle sur le bassin d'aération, telle qu'illustrée par la figure 2, le phosphore solubilisé lors de l'étape de dégradation thermophile enzymatique se retrouve en 3 et dilué dans le débit « Q ». Dans le cas de la présente invention (figures la) , la même quantité de phosphore se retrouve dans le débit « q » qui est 50 à 250 fois inférieur au débit Q (3, figure 2. La concentration en phosphore à traiter, par exemple par précipitation chimique au moyen de sels métalliques et ou de composés minéraux, est donc
50 à 250 fois supérieure. Cela autorise d'autres voies d'élimination, un meilleur rendement de précipitation par rapport à la stœchiometrie, donc une économie de réactif et une production de boue de déphosphatation plus faible. II est, de plus, envisageable d'utiliser des ouvrages de séparation du précipité plus compact . En outre la collecte, en un point de boues concentrées en phosphate minéral, permet d'envisager une valorisation spécifique. Le procédé objet de l'invention permet donc de répondre aux inconvénients des installations de réduction de production de boues directement intégrées en boucle sur le bassin de boues activées et permet d'améliorer de façon surprenante les performances des procédés de digestion anaérobie conventionnels . II demeure bien entendu que la présente invention n'est pas limitée aux exemples de réalisation et de mise en œuvre décrits et représentés ci-dessus, mais qu'elle en englobe toutes les variantes .