Méthodes de fabrication de ciments geopolymenques et ciments obtenus par ces méthodes.
La présente invention décrit des méthodes qui permettent de réduire le prix de revient des ciments geopolymenques. Ces méthodes décrivent l'emploi d'alummo-silicates alcalins d'origine géologique.
Techniques antérieures.
On distingue deux types de ciment: les ciments hydrauliques et les ciments geopolymenques. Les ciments geopolymenques résultent d'une réaction de polycondensation minérale par activation alcaline, dite géosynthèse, par opposition aux liants traditionnels hydrauliques dans lesquels le durcissement est le résultat d'une hydratation des aluminates de calcium et des silicates de calcium. Comme il est d'usage dans la profession, la comparaison entre les deux modes de durcissement s'effectue dans le cadre de la normalisation des essais physiques effectués à 28 jours. Le moyen d'investigation utilisé est le spectre de Résonance Magnétique Nucléaire. Dans le spectre MASNMR pour 27A|, les produits résultant de la géosynthèse ou réaction de géopolymèπsation, comme préconisé dans la présente invention, possèdent un pic caractéristique à 55±5 ppm, attribué à la coordination AI(IV) de type Q.4(4Si). Les composés d'hydratation obtenus dans les liants hydrauliques traditionnels ont un pic à 0±5 ppm, caractéristique de la coordination AI(VI), c'est à dire de l'hydroxy-aluminate de calcium. Le spectre MASNMR de 29Sι permet également de faire une différentiation très nette entre les ciments geopolymenques et les liants hydrauliques. Si on représente le degré de polymérisation du tétraèdre S1O4 par Qn (n=0, 1,2,3,4), on peut faire la distinction entre les monosilicates (Q0), les disilicates (Qi), les groupes de silicate (Q2), les silicates greffés (Q3) et les silicates faisant partie d'un réseau tridimensionnel (Q4). Ces degrés de polymérisation sont caractérisés en MASNMR du 29Sι par les pics suivants: (Q0) de -68 à -76 ppm; (Qi) de -76 à -80; (Q2) de -80 à -85 ppm; (Q3) de -85 à -90 ppm; (Q4) de -91 à -130 ppm. Les pics caractérisant les ciments geopolymenques se trouvent dans la zone -85 à -100 ppm et correspondent au réseau tridimensionnel (Q4) caractéristique des poly(sialates) et poly(sιalate- siloxo). Au contraire, les résultats de l'hydratation des liants hydrauliques conduisant au silicate de calcium hydraté C-S-H (selon la terminologie employée dans la chimie des ciments) produisent des pics se situant dans la zone -68 à -85 ppm soit le monosilicate (Q0) ou le disilicate (Q1XQ2);
On a proposé dans le passé des liants et ciments basés sur des réactions geopolymeriques mettant en jeu trois des quatre réactifs employés dans la présente invention.
Ainsi par exemple le brevet Davidovits/Sawyer US 4,509,985 et son équivalent européen EP 153,097 décrivent des compositions geopolymeriques permettant la réalisation de mortier à durcissement rapide. Dans le brevet Davidovits/Sawyer, la composition dite "standard" comprend un mélange réactionnel caractérisé par les rapports molaires des oxydes : K2O: SiO2 0.32
SiO2: AI2O3 4.12
H O:AI θ3 17.0
K2O:AI2O3 1.33
H20 : K2O 12.03 auquel a été ajouté du laitier de haut fourneau broyé.
Dans les compositions décrites par le brevet Davidovits/Sawyer, il est fait usage de silicate alcalin soluble, en particulier du silicate de potassium dans lequel le rapport molaire des oxydes l<2θ : Siθ2 est de l'ordre de 0.5 (soit !< θ: 2Siθ2). Dans le prix de revient des compositions minérales geopolymeriques décrites dans les formulations antérieures, la partie la plus onéreuse est celle allouée à ce silicate de potassium. Il était donc très important de pouvoir diminuer très sensiblement le prix de revient de ce produit très onéreux, afin de pouvoir produire un ciment géopolymèrique dont le prix puisse être comparable à celui du ciment Portland. C'est le principal objectif de la présente invention.
On a déjà proposé dans l'art antérieur différentes méthodes pour réduire les quantités de ce réactif relativement coûteux. Ces différentes méthodes sont regroupées dans le Tableau 1 ci dessous. Ainsi dans le brevet Heitzman US 4,642,137 on fabrique le silicate alcalin dans le mélange in-situ, par réaction alcaline avec de la silice amorphe. Cependant, ces formulations selon le brevet Heitzman ne durcissent pas à la température ambiante, puisque pour obtenir ce durcissement rapide, il est absolument nécessaire d'ajouter du ciment Portland. Dans la publication WO 92/04298, on décrit un ciment géopolymèrique à durcissement rapide dans lequel il est fait usage du disilicate de potassium !<2(H3Siθ4)2 en poudre. On peut déjà réduire ainsi de moitié la quantité de silicate alcalin. Dans la publication internationale WO 92/04300, il est préconisé de fabriquer le silicate alcalin à partir de divers matériaux géologiques, comme les silices amorphes, en
procédant par fusion à haute température (vers 1000-1250°C) avec du carbonate alcalin. Les quantités de silicate alcalin sont soit équivalentes à celles du brevet Davidovits/Sawyer ou égale à celle de la publication internationale WO 92/04298 (voir Tableau 1). On notera également la méthode décrite dans Ja publication internationale WO 95/13995 qui propose la fabrication d'un verre obtenu par la fusion d'aluminosilicate alcalins naturels (roches volcaniques) à une température comprise entre 1000°C et 1350°C.
La présente invention permet encore de réduire de 70 - 80% la quantité de silicate alcalin par un moyen différent de ceux préconisés dans l'art antérieur.
Exposé de l'invention.
L'objet principal de l'invention est de réduire radicalement les quantités en silicate alcalin par rapport aux ciments geopolymeriques de l'art antérieur. Par rapport au brevet Davidovits/Sawyer US 4,509,985, la méthode préconisée dans la présente invention part de l'idée qu'il devrait être possible de remplacer une certaine quantité du réactif K2O produit par l'industrie chimique, par du K2O extrait des roches volcaniques. La méthode de l'invention montre que certaines roches volcaniques de type alumino- silicate alcalin permette de réduire de 70-80% en poids la quantité de K2O d'origine chimique.
Tableau I : composition des ciments de l'art antérieur et de la présente invention (parties en poids de matière sèche).
EP 0153097 EP 0500845 Présente US 4,509,985 US 4,642,137 WO92/04300 WO92/04298 invention oxyde aluminosilicate 100 100 80-140 100 100
Silicate alcalin 148 55-145 6-110 48-72 30-55 silice amorphe 0 70-215 40-500 0 0
Silicate basique 100 20-70 20-120 50-70 80-110
Silicate d'alumine cendres volantes 0 85-130 0 0 0
Aluminosilicate alcalin, M2θ> 5% 0 0 0 0 150-250
Le procédé de fabrication d'un ciment géopolymèrique qui ne contient pas de ciment Portland, selon la présente invention, consiste à réaliser le mélange réactionnel dont les composants exprimés en matière sèche sont:
- réactif I : 100 parties en poids d'un oxyde aluminosilicate
[Si2θ5,Al2θ2]9[Si2θ5,Al2(OH)3], ayant le cation Al en coordination mixte (IV-V) comme déterminé par le spectre d'analyse en Résonance Magnétique Nucléaire MASNMR pour 27AI, ou pour simplifier dans ce qui suit,
(Si2θ5,AI2θ2)(iv-V) •
- réactif II: 30-55 parties de silicate de sodium et/ou de potassium dans lequel le rapport molaire M2θ/Siθ2 est compris entre 0.5 et 0.8, M désignant Na et/ou K ou le mélange Na+K. - réactif III: 80-110 parties de silicate basique, à l'état vitreux, composé en partie de gehlinite, d'akermanite et de wollastonite.
- réactif IV: 150-250 parties aluminosilicate alcalin contenant au moins
5% en poids de (Na2θ+I<2θ), de préférence au moins 8% en poids; puis à faire durcir le dit mélange en ajoutant de l'eau.
Le réactif (I) , l'oxyde aluminosilicate de formule simplifiée (S'i2θ5,Al2θ2)(iv-V)/ est obtenu par calcination d'un matériau kaolinitique à une température inférieure à 1000°C.
Le réactif (II) est le silicate de sodium et/ou de potassium, en poudre, par exemple le disilicate de potassium K2(H3Siθ4)2, ou le disilicate de sodium Na2(H3Siθ4)2, ou le disilicate double de potassium et de sodium (K,Na)(H3Siθ )2, ou un mélange de silicate alcalin et de NaOH/KOH solide. On peut aussi utiliser le silicate alcalin sous forme d'une solution aqueuse. Le rapport molaire M2θ/Siθ2 est en général compris entre 0.5 et 0.8, M désignant Na et/ou K ou le mélange Na+K.
Le réactif (III) est un silicate de calcium faiblement basique, c'est à dire ayant un rapport atomique Ca/Si inférieur à 1. Il est obtenu en utilisant comme matière première un silicate de calcium basique, c'est à dire ayant un rapport atomique Ca/Si égal ou supérieur à 1 essentiellement caractérisé par son aptitude à générer, sous l'action d'une attaque alcaline, la formation de silicate du calcium faiblement basique, c'est à dire ayant un rapport atomique Ca/Si inférieur à 1, de préférence proche de 0,5.
Le réactif (IV) est un matériau géologique, aluminosilicate alcalin, dans lequel le rapport atomique Si : Al est compris entre 2,5 et 5, le rapport molaire M2θ:Al2θ3 est compris entre 0.7 et 1.1 et le rapport molaire (M2θ+CaO): AI2O3 est compris entre 0.8 et 1.6. Ce matériau aluminosilicate alcalin est généralement calciné à une température inférieure à 850°C, mais certaines variétés géologiques peuvent être utilisées sans calcination. La calcination a pour avantage de diminuer la
quantité d'eau qu'il faut ajouter au mélange afin d'obtenir une bonne fluidité au mortier. L'art antérieur montre que les résistances mécaniques des ciments geopolymeriques diminuent lorsque la quantité d'eau augmente. Il sera donc, en général, avantageux d'effectuer cette calcination. Certaines variétés géologiques, comme celles décrites dans les exemples 2, 3, 6, ont des résistances mécaniques qui sont sensiblement équivalentes pour le produit non calciné (naturel) et le produit calciné. La décision de calciner ou non ces aluminosilicates alcalins dépend uniquement de la rhéologie des mortiers et des bétons qui seront obtenus avec ces ciments. Le mélange des réactifs qui constitue l'ensemble comprenant les réactifs (I) + (II)+(III), voir le Tableau 2, possède un rapport molaire
Ca+ +/(Si2θ5,Al2θ2)(i -V) Qui est supérieur à 1 et un rapport (Na+, +,Ca+ + )/(Si2θ5,Al2θ2)(iv-V) u1' est supérieur à 1,5. Après durcissement, le ciment géopolymèrique est constitué de deux phases distinctes: a) une phase dite vitreuse qui possède un spectre MAS NMR pour 29Si ayant une bande comprise entre -85 et -89ppm, et un spectre MASNMR pour 27AI ayant une résonance à 54-58ppm. Cette dite phase vitreuse est un composé géopolymèrique constitué de groupes (AIO4) de type 0_4(4Si) polymérisés avec des groupes (Siθ4) de type Q_4(3AI,lSi), associés à un aluminosilicate hydroxylé constitué de (Si04) de type Q3(2Si, lAI,10H) ; b) une phase cristalline qui possède un spectre MAS NMR pour 9Si ayant une bande comprise entre -90ppm et -115ppm, et un spectre MAS-NMR 27AI ayant une résonance à 57ppm. Cette dite phase cristalline correspond à un aluminosilicate alcalin.
Le ciment géopolymèrique obtenu selon les méthodes décrites dans la présente invention est résistant à la corrosion de l'acide sulfurique et il n'est pas sujet à la réaction ASR. Les caractéristiques mécaniques sont bonnes. Ainsi, la résistance à la compression à 28 jours est comprise entre 25 Mpa et 60 Mpa, sans ajout de charges particulières. Elle varie en fonction de la granulométrie des éléments en poudre. En général, la granulométrie moyenne est comprise entre 7 microns et 10 microns.
Meilleures manières de réaliser l'invention
Dans les méthodes de l'invention, le réactif (I), l'oxyde aluminosilicate de
formule simplifiée (Si2θ5,Al2θ2)(iv-v)/ est obtenu, comme dans l'art antérieur, par calcination d'un matériau kaolinitique à une température inférieure à 1000°C. La dite calcination est conduite de telle sorte que le dit oxyde aluminosilicate possède un spectre d'analyse en Résonance Magnétique Nucléaire MASNMR pour 27AI ayant en supplément des deux résonances principales à 20±5ppm [coordination AI(V)] et 50±5ppm [coordination AI(IV)], une résonance secondaire à 0±5ppm de beaucoup plus faible intensité [coordination AI(VI)]. Le matériau kaolinitique est en général une argile contenant au moins 30% en poids du minéral kaolinite. La calcination s'effectue à une température inférieure à 1000°C, cette température variant avec la méthode employée. La calcination en four vertical ou tournant se fait à une température comprise entre 650°C et 800°C. Dans le procédé à lit fluidisé, la température est entre 700°C et 850°C. Dans le procédé flash, à courant d'air chaud, la température est comprise entre 900°C et 1000°C. Certains résidus industriels contiennent déjà le dit oxyde aluminosilicate (S'i2θ5,Al2θ2)(iv-V) comme les cendres résultant de la combustion du charbon dans les centrales thermiques dites à basse température ou en lit fluidisé; la bauxite calcinée contient également une certaine quantité de (Si2θ5,Al2θ2)(iv- )- 0n Peut aussi citer les produits de calcinations des déchets de papeterie, chargés en kaolin.
Le réactif (II) est un silicate alcalin soluble dans l'eau. Depuis la description du brevet Davidovits/Sawyer, l'homme de l'art sait que, dans ce silicate alcalin, le rapport molaire M2θ:SiÛ2 (M désignant soit Na, soit K, soit le mélange Na+K) doit être voisin de 0,5, c'est à dire correspondre sensible- ment à un silicate M2θ:2Siθ2,nH2θ, n étant compris entre 2 et 6. De préférence, dans la méthode de l'invention, M est K. Bien que le silicate de potassium soit plus coûteux que le silicate de sodium, les propriétés des ciments obtenus avec le silicate de potassium sont bien supérieures de celles obtenues avec le silicate de sodium. En effet, l'expérience montre qu'avec un silicate double de sodium et de potassium, le ciment ainsi obtenu développe une résistance à la compression inférieure de celle avec le silicate de potassium. Dans la présente invention, le rapport molaire M2θ:Siθ2 est compris entre 0.5 et 0.8. Le silicate alcalin peut être soit sous forme de poudre silicate alcalin soluble dans l'eau, soit d'un mélange de silicate alcalin en poudre et de NaOH/KOH solide, soit sous la forme d'une solution. Dans le cas des exemples ci-dessous, la solution contient 20-23% en poids de Siθ2, 20-26% en poids de K2O, et 50-55% en poids d'eau.
Le réactif (III) est un silicate de calcium basique, c'est à dire avec le
rapport atomique Ca/Si supérieur ou égal à 1, comme la wollastonite Ca(Si03), la gehlenite (2CaO.AI2θ3.Si02), l'akermanite (2CaO. Mg0.2Si0 ) . Lorsque les grains de ces matières sont mis en contact avec le silicate alcalin du réactif (II), il se produit très rapidement une désorption de CaO de telle sorte que le rapport atomique Ca/Si devient inférieur à 1 et tend vers 0,5. Il y a production in situ de disilicate de calcium Ca(H3Siθ4)2 qui vient participer à la réaction géopolymèrique.
Certains sous-produits de traitements industriels ou de combustion à haute température contiennent essentiellement les silicates basiques gehlenite, akermanite, wollastonite et conviennent donc très bien. Nous citerons, à titre d'exemple non limitatif, le laitier de haut fourneau, certaines scories et certaines cendres de centrales thermiques à haute température, ces produits étant de préférence à l'état vitreux. Lorsque l'on regarde au microscope les ciments durcis à partir des mélanges décrits dans les exemples 1 à 10, on constate que, dans le cas du laitier de haut-fourneau, la majorité des grains de laitiers ont disparu . On voit seulement une empreinte de leur forme initiale, sous la forme d'une enveloppe vraisemblablement constituée d'akermanite qui n'a pas réagi. Ce processus est très régulier et peut être complet en 30 minutes, à la température ambiante. Cependant, comme on peut le voir dans le Tableau 2, la quantité de silicate de calcium basique participant à la réaction géopolymèrique est supérieure à celle de l'art antérieur. Ceci s'exprime par les ratios molaires des oxydes reliant entre eux les réactifs (I), (II) et (III).
Tableau 2: Ratio molaire des différents oxydes reliant entre eux les réactifs (I), (II), (III) de la présente invention et de l'art antérieur. relation entre ratios US 4,509,985 WO 92/04298 Présente invention réactifs molaires Exemples 2 à 9 Exemples 1 à 10
(II)/(I) Na20,K2θ/(Si2θ5,Al2θ2) 1.33 0.40-0.60 0.441
(III)/(I) Ca++/(Si2θ5,AI2θ2) 0.9-1.6 0.60-0.40 1.29
(II)+(IH)/(I) Na20,K2θ,CaO/(Si2θ5,Al2θ2) 2.2-2.9 1.0 1.731
Le réactif (IV) est un matériau géologique, aluminosilicate alcalin, qui contient au moins 5% en poids de Na2θ+K2θ. Il appartient à la classe des roches volcaniques. Les Tableaux 3 et 4 donnent les caractéristiques chimiques des aluminosilicates alcalins utilisés dans les exemples ci- dessous. Ils sont très différents des silicates d'alumines décrits dans le brevet US 4,642,137 qui sont soit des cendres volantes de centrales
thermiques au charbon, très pauvres en alcalin, soit des argiles calcinées. Il est également très différent de la silice amorphe employée dans le brevet US 4,642,137 ou du matériau géologique de la publication internationale WO92/04300. Dans la demande internationale WO 92/04298, on préconise l'emploi de la silice amorphe, comme par exemple la fumée de silice, les cendres de riz, mais aussi des silices d'origine géologique comme les terres de diatomées, les smectites siliciques, certaines pouzzolanes fortement siliciques (avec un fort pourcentage d'allophane et de verre d'origine volcanique). On y explique, page 9, lignes 17-21, que ces matériaux d'origine géologique sont considérés comme des charges finement divisées, réactives. La réactivité de ces charges les fait réagir en surface avec le milieu réactionnel géopolymèrique, augmentant ainsi la résistance mécanique du liant minéral poly(sialate-siloxo).
On pense que le réactif IV de la présente invention réagit également en surface mais avec un mécanisme chimique différent. En effet, dans tous les brevets de l'art antérieur, l'objectif est de solubiliser de la silice pour la transformer en silicate alcalin soluble. On ajoute donc, en plus du silicate alcalin, de l'hydroxyde de sodium NaOH et/ou de potassium KOH qui devra former du silicate alcalin avec la silice amorphe. Après durcissement et géopolymérisation, le ciment de l'art antérieur est du type tecto-alumino- silicate, c'est à dire une structure tridimensionnelle dans laquelle les groupes (SiÛ4) sont de type Q4 exclusivement. Dans l'art antérieur, le spectre MASNMR de 29Si est très caractéristique puisqu'il présente une résonance vers -92,-94 ppm, Q4(2Si,2AI) et une résonance vers -110 ppm, Q4(4Si). On peut trouver des exemples de ces spectres dans la publication WO92/04300, figure 7, et dans la publication « Geopolymers: man-made rock geosynthesis and the resulting development of very early high strength cernent » par J. Davidovits, Journal of Materials Education, Vol. 16, numbers 2&3, pages 91-137, 1994, figure 13. La première résonance à -92, -94 ppm caractérise la matrice même du ciment géopolymèrique, la résonance à - 115 ppm étant attribuée à la charge siliceuse.
Des exemples du spectre MASNMR de 29Si des ciments obtenus par la méthode de la présente invention sont à la Figure 1. Ces spectres sont différents de ceux de l'art antérieur. Ils se composent de deux résonances principales: la première est celle de la phase dite vitreuse ou matrice géopolymèrique qui résulte de la réaction entre les réactifs (I)-(II)-(III); la deuxième est celle de la phase dite cristalline propre au réactif IV.
La phase dite vitreuse, possède un spectre MAS NMR pour 29Si qui a
une bande comprise entre -85 et -89ppm. Le spectre MAS-NMR pour 27AI de cette dite phase vitreuse est 54-58ppm. Le spectre de l'ensemble des réactifs (I) + (II)+(III) durci est identique à celui de la phase vitreuse. La dite phase vitreuse est un composé géopolymèrique constitué d'une structure siliço-aluminate alcaline qui contient un groupe (AIO4) de type
Q4(4Si), polymérisé avec des groupes (Si04) de type Q4(3AI,lSi), associé à un aluminosilicate hydroxylé constitué de (Siθ4) de type Q3(2Si,lAI,10H).
La dite phase cristalline, possède un spectre MAS NMR pour 29Si qui a une bande comprise entre -90 et -115ppm. Le spectre MAS-NMR pour 27AI a une résonance à 57-58 ppm correspondant à (AIO4) de typeQ4(4Si).
Chaque aluminosilicate alcalin naturel, réactif IV, possède son spectre bien spécifique qui est pratiquement identique à celui de la phase cristalline. On pense que l'action alcaline du mélange réactionnel produit une hydrolyse de la surface de la phase cristalline, avec la formation de fonction silanol -Si- OH" M+, M étant soit K soit Na. On pense que cette hydrolyse de surface est favorisée par le fait que cette phase cristalline contient déjà in situ des alcalis Na2θ,K2θ. On pense aussi que la réaction entre la matrice, phase vitreuse, et le réactif IV, phase cristalline, a lieu par polycondensation entre les hydroxyles -OH des groupes (Si04) de type Q3(2Si,lAI,10H) de la phase vitreuse et les silanol -Si-OH" M+ en surface de la phase cristalline.
La méthode de l'invention est illustrée par les Exemples suivants. Ils n'ont pas de caractère limitatif sur la portée globale de l'invention telle que présentée dans les revendications. Toutes les parties indiquées sont en poids.
Exemples 1 à 10:
Dans ce groupe d'exemples le mélange réactionnel des réactifs (I)+(II)+(III) est inchangé. On l'appelle « base ». Cette base est constituée du mélange suivant, parties en poids:
composition parties en poids
- réactif (I) argile kaolinique calcinée 30
- réactif (II) solution silicate de K,
(en po ids) K?0: 26%, SiO? : 21%, H?0 : 53% 25
- réactif (III) laitier de haut fourneau granulométrie moyenne 8 microns 27
- eau 31 total base 113
En ajoutant à 113 parties en poids de « base », 50 parties en poids d'aluminosilicates alcalins géologiques décrits dans les Tableaux 3 et 4 (réactif IV), on réalise les Exemples 1 à 10. Les matériaux géologiques ont été sélectionnés dans le cadre du programme de recherche européen Brite- Euram/Geocistem, référencés SAOl / SA07 / CAOl / CA02 / LAOl / LA02 / TO03 / ES03 / GC05 / TE03 (Dpt Scienze délia Terra, Université de Cagliari, Italie, B.R.G.M., Orléans, France, Facultat de Geologia, Université de Barcelone, Espagne).
Le ciment ainsi obtenu, appelé pâte, est versé sans addition de charge, dans un moule et laissé durcir à la température ambiante. On mesure la résistance à la compression Rc à 28 jours. Pour chacun des Exemples 1 à 10, on a obtenu deux ciments, l'un contenant le réactif (IV) naturel, l'autre contenant le réactif (IV) qui avait été au préalable calciné à une température égale ou supérieure à 600°C. Dans le cadre des exemples 1 à 10, la calcination a eu lieu à 800°C pendant 3 heures. Le réactif (IV) a également été broyé à la granulométrie moyenne de 8 microns.
Tableau 3 : Composition chimique, en poids, des aluminosilicates alcalins géologiques (réactif IV), employés dans les Exemples 1 à 10
Exemples 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Si02 71.48 74.16 5aœ 5252 5535 8a42 57.94 57.61 56.50 56.76
Al203 14.55 ι 80 19.26 1641 19.20 10.80 17.66 ι s9 1586 1R45
Fe203 160 1.13 4.17 3.67 400 530 3.72 4.74 3.74 339
MgO 004 0.17 120 1.73 1.15 868 0.70 1.16 063 0.47
CaO 0Û7 0.43 3.14 754 235 256 261 352 0.44 039
Na20 069 433 222 058 235 150 350 325 621 728
K20 10.41 469 8S0 634 825 835 799 760 563 5.77
Tι02 0.16 0.13 0JB1 051 054 1.40 0.41 0.47 0.74 0.45
P205 004 002 0.15 0.17 0.17 0.76 0.13 0.19 <0.05 <0.05
MnO 001 002 0.16 0.10 0.13 009 0.12 0.16 027 025
Loi. 036 052 223 10.43 600 1.15 5.76 256 934 667
Les résultats sont groupés dans le Tableau 5. Ils sont des moyennes de 4 échantillons pour chaque mélange avec matériau géologique naturel ou calciné. La Rc Maximum est la valeur de la meilleure résistance obtenue pour chaque gisement géologique. Elle n'est pas une moyenne.
Tableau 4: Type petrographique, composition chimique (exprimées en moles) et ratio atomique pour divers aluminosilicates alcalins géologiques (réactif IV).
Exemple 1 Exemple 2 Exemple 3 Exemple 5 Exemple 6 Exemple 9 type Lave Tuf Ignimbrite Ponce Lave Ignimbrite petrographique andésitique volcanique type A potassique lamproitique phonolitique
Si02 1.191 1.236 0.967 0.922 0.973 0.936
Al203 0.142 0.135 0.188 0.188 0.105 0.155
Na20 0.011 0.069 0.035 0.037 0.024 0.100
K20 0.108 0.051 0.091 0.086 0.086 0.058
CaO 0.001 0.007 0.056 0.052 0.045 0.007
Si : Al 4.25 4.55 2.59 2.44 4.6 3.03
(Na + K) :AI 0.767 0.888 0.670 0.654 1.047 1.019
(Na + K+Ca) - Al 0.845 0.940 0.968 0.930 1.476 1.067
Tableau 5: Résistance à la compression Rc à 28 jours, Mpa sur la pâte, sans charge
Exemples 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Rc Mpa, naturel 48 50 46 31 33 50 30 36 34 33
Rc Mpa, calciné 44 45 54 43 51 51 39 47 51 45
Rc Mpa, maximum 67 63 59 55 67 56 40 61 60 47
En général, la calcination augmente très sensiblement la résistance mécanique. Il est cependant évident que, lorsque le gisement géologique le permettra, on pourra éviter cette calcination et par conséquent réduire le coût de fabrication du ciment géopolymèrique de l'invention.
On trouvera à la figure 1 les spectres MASNMR pour 29Si de chaque ciment géopolymèrique obtenu dans les exemples 1 à 10. Tous les spectres sont constitués de l'addition de deux spectres, l'un appartenant à la phase vitreuse (identique à celui de l'ensemble des réactifs I+II+III), l'autre à la phase cristalline (identique à celui du réactif IV géologique). L'Exemple 2 dans la Figure 1 montre ces deux spectres ainsi que le spectre complet. Dans les autres Exemples de la Figure 1, on trouve à la fois le spectre complet et le spectre de la phase vitreuse.
Exemple 11 :
Avec les ingrédients et le matériau géologique de l'Exemple 2, on étudie les propriétés physico-chimiques des mortiers en les comparant à un liant hydraulique à base de ciment Portland, par exemple le CEM I 42.5 R de Cementi Buzzi (Italie). Le mélange sable+ciment est effectué selon la procédure et norme européenne, à savoir: les réactifs en poudre (I), (III) et (IV) sont homogénéisés pendant 30 sec avec le sable normalisé (sable ISO), puis on ajoute le réactif (II) liquide et l'eau en mélangeant pendant 270 sec, et on finit à grande vitesse pendant 60 sec. Les prismes sont façonnés dans les moules normalisés (DIN 1164) . Le mortier contient 450 parties de sable pour 190 parties de ciment + eau.
Afin d'obtenir une bonne ouvrabilité du mortier, le ciment géopolymèrique a été réalisé avec le mélange suivant:
- réactif (I) 23 parties - réactif (III) 20.3 parties
- réactif (IV) 56.7 parties
- réactif (II) 23.4 parties
- eau 29 parties
- superplastifiant (naphtalene sulfonate) : 1% en poids du ciment
Le mortier durcit au bout de 30 minutes. Il reste 24 heures dans le moule, puis il est démoulé et plongé dans l'eau. On mesure sa résistance à la compression et à la flexion à 24 h (au démoulage), 7 jours (dans l'eau) et 28 jours (dans l'eau). Les valeurs sont les suivantes: 24_h 7 j 28 j
Résistance compression (N/mm2) 10.5 34 42.5
Résistance flexion (N/mm2) 2.8 5.8 7.4
Exemple 12:
On réalise des prismes avec le mortier de l'Exemple 11 afin de pouvoir suivre la résistance à la corrosion chimique, en comparaison avec des prismes réalisés avec un ciment hydraulique CEM I 42.5 R de Cementi Buzzi (Italie). On mesure la corrosion à:
- l'acide sulfurique: après 24 h dans le moule, le prisme est plongé dans un solution aqueuse contenant 5% en poids d'acide sulfurique. On mesure la perte de poids et la résistance à la compression et à la
flexion à lj, 7j, 28j. Après 28 jours, la solution acide a un pH=0.6. Les résultats sont donnés par la figure 2.
- la réaction alcali-agrégat ASR: test accéléré selon la méthode standard du Danemark. On mesure la variation dimensionnelle à lj, 5j, 14j. Les résultats sont donnés par la figure 3.
- la réaction au sulfate: selon la norme ASTM C 1012. On mesure les variations dimensionnelles sur une longue période (6 mois). Les résultats sont donnés par la figure 4.
Dans tous ces tests de corrosion chimique, les ciments selon l'invention ont une résistance supérieure à celle du ciment Portland.
Le réactif (II), silicate alcalin, est introduit dans le mélange réactionnel, soit sous la forme de poudre, ou de mélange de silicate poudre et de NaOH/KOH solide, soit sous la forme de solution aqueuse. L'art antérieur nous indique que la forme en poudre permet d'obtenir des mortiers qui ont un temps de prise relativement long, tout en développant une résistance mécanique supérieure à celle fournie par un réactif en solution aqueuse. Seules les applications décideront du choix de l'une ou de l'autre forme physique du silicate alcalin. Le choix entre le silicate de potassium ou le silicate de sodium est avant tout dicté par des considérations économiques, le silicate de sodium étant meilleur marché. Cependant, l'expérience montre que les ciments contenant uniquement du silicate de sodium ont une faible tenue au gel/dégel, par rapport au ciments avec le silicate de potassium. Le mélange ( 2O, Na2θ) dans le silicate alcalin devra donc être établi en fonction de ce test au gel/dégel. Il semble évident que, dans les régions ou le risque de gel est nul, le choix se portera sur une formulation plus riche en Na2θ que en K2O. L'homme de l'art sera en mesure de déterminer la meilleure qualité pour son ciment et la composition du silicate alcalin la plus économique, sans sortir du cadre de l'invention.
Lors de la confection des mortiers et bétons, et lors des opérations d'encapsulation et de solidification des matériaux, on pourra ajouter à ces ciments les différents additifs et produits auxiliaires employés par l'homme de l'art pour améliorer la rhéologie et le comportement des ciments hydrauliques. Un additif particulièrement intéressant est la fumée de silice. Comme c'est le cas pour les ciments hydrauliques traditionels, la fumée de silice améliore ici aussi les propriétés à long terme des ciments
geopolymeriques. Cette addition de silice s'accompagne, dans le spectre MAS NMR pour 29Si du ciment durci, par l'apparition d'une résonance à - 110±5 ppm, identique à celle déjà présente dans le réactif IV géologique de l'Exemple 1 de la Figure 1. C'est la preuve que cette fumée de silice, contrairement à l'art antérieur déjà discuté plus haut, n'est pas transformée en silicate alcalin, mais intervient comme charge fine réactive.
Les applications des ciments geopolymeriques obtenus selon les méthodes de l'invention sont multiples. Tout d'abord la quantité de silicate alcalin a été réduite de 70% à 80% par rapport à l'art antérieur, permettant de baisser très sensiblement le prix de ces ciments. Ensuite, leur fabrication nécessite très peu d'énergie et ne génère que très peu de dégagement de gaz à Effet de Serre comme le gaz carbonique Cθ2- Us peuvent donc avantageusement remplacer les ciments hydrauliques traditionnels dans les applications du bâtiment et des travaux publics. Ils possèdent les propriétés physico-chimiques des liants et ciments geopolymeriques décrites dans l'art antérieur. Ils peuvent donc être employés dans les applications d'encapsulation et de solidification de substances toxiques ou radioactives, minérales ou organiques, et aussi dans la stabilisation de déchets miniers. Ces ciments sont également stables à la température. Contrairement au ciment Portland qui explose par suite du dégagement de son eau d'hydration, le ciment géopolymèrique peut être rapidement séché de son eau de constitution, puis monté à des températures comprises entre 400°C et 1000°C, sans dommage. On peut donc agglomérer des substances qui doivent subir ces variations de température.
Bien entendu, diverses modifications peuvent être apportées par l'homme de l'art aux méthodes et aux ciments Géopolymères qui viennent d'être décrits uniquement à titre d'exemple, sans sortir du cadre de l'invention.