LOCALISATION D’UNE CIBLE POUR VÉHICULE SUIVEUR
DOMAINE DE L’INVENTION L’invention concerne le domaine des véhicules suiveurs et plus particulièrement d’une méthode et d’un dispositif permettant la localisation précise d’une cible mobile que le véhicule suiveur doit suivre.
CONTEXTE DE L’INVENTION
Le domaine des véhicules suiveurs est en pleine expansion et connaît des champs d’application très variés.
Par exemple, le véhicule suiveur peut être un caddy motorisé suivant de façon automatique un joueur de golf. Un autre exemple est un véhicule porteur suivant un ouvrier sur un chantier industriel ou au sein d’une usine, d’un atelier ou d’un entrepôt de stockage.
Un autre exemple concerne le domaine agricole, dans lequel un ou plusieurs véhicules agricoles motorisés suivent de façon automatique un agriculteur.
Dans certaines applications, les véhicules suiveurs peuvent suivre un autre véhicule.
Une contrainte classique pour les véhicules suiveurs est de maintenir une distance constante avec la cible suivie (piéton ou autre véhicule) et de suivre sa trajectoire, c’est-à-dire de pouvoir réagir à des changements de vitesse et de direction.
Différents mécanismes ont été proposés pour permettre ce suivi. D’une façon générale, ce suivi ne peut se faire sans une localisation de la cible à suivre par rapport au véhicule suiveur. Cette localisation peut notamment comprendre la distance et un angle par rapport à la direction du véhicule suiveur.
Une technique classique repose sur des télémètres lasers et/ou des caméras utilisées soit dans le spectre visible soit dans l’infrarouge. Un mécanisme de reconnaissance de forme dans les images acquises par les caméras et/ou par le télémètre est ensuite mis en place pour détecter la cible à suivre et estimer sa position relative.
De telles méthodes sont toutefois sensibles à des perturbations extérieures comme, notamment, des variations climatiques (pluie, fumée, brouillard, neige...), des changements d’illumination, des variations de température (perturbant fortement les caméras infra-rouge), les éblouissements, la présence d’obstacles (pouvant rompre le contact entre la cible et les capteurs), etc.
En outre, même dans le cas idéal d’une perception parfaite de l’environnement, il reste difficile de différentier la cible des autres objets présents dans l’environnement.
Par exemple, si la cible est un piéton, il est techniquement difficile de le distinguer d’un autre piéton présent dans la scène observée. Le capteur le plus à même de différencier deux piétons est la caméra dans le domaine visible, mais ce capteur est par ailleurs le plus sensible aux conditions environnementales. Il ne peut par exemple fonctionner de nuit ou par mauvais éclairage. Dans ces conditions, les télémètres et les caméras infrarouges donnent de meilleures performances, mais ils ne permettent pas de distinguer facilement un piéton d’un autre. Le télémètre ne permet que de déterminer des silhouettes « en profondeur » et ne peut distinguer des silhouettes que sur leur corpulence ou leur taille.
Par ailleurs, la cible à suivre peut être temporairement occultée par un obstacle (arbre, angle d’une rue, autre piéton, etc.). La cible ne peut alors plus être localisée. D’autres mécanismes se basent sur des liaisons radios ou ultrasons. C’est par exemple le cas de ceux exposés dans le brevet US 5,810,105 ou dans la demande EP 2,590,041.
La localisation est assurée par deux modules de communication sur le véhicule suiveur et un module sur la cible. A partir des mesures du temps de vol des informations échangées entre le module sur la cible et chacun des modules du véhicule suiveur, une localisation relative peut être estimée par trilatération.
Toutefois, ces mécanismes fournissent une précision de la localisation insuffisante. En effet, si la connexion radio est rompue entre les modules de communication, de la même façon qu’avec les solutions basées sur des caméras ou télémètre, la détermination de la localisation ne peut plus être assurée.
En outre, même sans une telle rupture, la précision est fortement impactée par l’absence de synchronisation entre les deux flots de communication : le premier entre le module du piéton et le premier module du véhicule et le second entre le module du piéton et le deuxième module du véhicule. Or, comme observé par la Demanderesse, entre les communications avec le premier et avec le second module embarqué sur le véhicule suiveur, ce dernier a pu se déplacer, de sorte qu’un biais est inséré dans les calculs de la trilatération. La localisation ainsi obtenue manque donc de précision et peut même aboutir, dans certaines situations, à des aberrations importantes.
RÉSUMÉ DE L’INVENTION
Le but de la présente invention est de fournir une solution palliant au moins partiellement les inconvénients précités. A cette fin, la présente invention propose un procédé de localisation d'une cible mobile par un véhicule suiveur, comportant la détermination d'au moins une première mesure de distance entre ladite cible mobile et un premier emplacement sur ledit véhicule suiveur, prise en un premier instant, et d'une seconde mesure de distance entre ladite cible mobile et un second emplacement sur ledit véhicule suiveur, prise en un second instant, caractérisé en ce que ledit procédé détermine une prévision du déplacement dudit véhicule suiveur entre lesdits premier et second instants, et détermine une localisation de ladite cible mobile par rapport au véhicule suiveur à partir desdites première et seconde mesures de distance, en prenant en compte ladite prévision, de sorte à compenser ledit déplacement entre lesdits premier et second instants.
Suivant des modes de réalisation préférés, l’invention comprend une ou plusieurs des caractéristiques suivantes qui peuvent être utilisées séparément ou en combinaison partielle entre elles ou en combinaison totale entre elles : ladite prévision et ladite localisation sont déterminés par un filtre de Kalman ; adite prévision du déplacement est déterminée à partir de mesure de vitesse linéaire et de l’orientation du train directeur dudit véhicule suiveur ; les équations de prédiction dudit filtre de Kalman, entre un instant k et un instant k-1 sont
dans lesquelles Qu est la matrice de covariance associée aux incertitudes des informations proprioceptives provenant dudit véhicule suiveur, telle que : et
avec
Δχ est le temps écoulé entre les instants k et k-1. vr,k est la vitesse linéaire dudit véhicule suiveur à l’instant k ; ôr,k est l’orientation du train directeur dudit véhicule suiveur à l’instant k, et, L est la voie du véhicule suiveur. le procédé comporte outre une étape de détermination d’une commande visant à adapter la vitesse et la direction dudit véhicule suiveur afin de le diriger en fonction de ladite location localisation de ladite cible n respectant une distance de consigne.
Un autre objet de l’invention concerne un dispositif de localisation d'une cible mobile pour un véhicule suiveur, comportant un premier module de communication en un premier emplacement sur ledit véhicule suiveur pour déterminer une première mesure de distance entre ledit premier emplacement et ladite cible mobile en un premier instant, et un second module de communication en un second emplacement sur ledit véhicule suiveur pour déterminer une seconde mesure de distance entre ledit second emplacement et ladite cible mobile en un second instant, et un module de calcul pour déterminer une prévision du déplacement dudit véhicule suiveur entre lesdits premier et second instants, et déterminer une localisation de ladite cible mobile par rapport audit véhicule suiveur à partir desdites première et seconde mesures de distance, en prenant en compte ladite prévision, de sorte à compenser ledit déplacement entre lesdits premier et second instants.
Suivant des modes de réalisation préférés, ce dispositif selon l’invention comprend une ou plusieurs des caractéristiques suivantes qui peuvent être utilisées séparément ou en combinaison partielle entre elles ou en combinaison totale entre elles : ledit module de calcul détermine ladite prévision du déplacement du robot suiveur et ladite localisation de la cible par un filtre de Kalman ; ledit module de calcul détermine ladite prévision du déplacement à partir des mesures proprioceptives dudit véhicule suiveur.
Un autre objet de l’invention concerne un véhicule suiveur comportant un tel dispositif.
Un autre objet de l’invention concerne un système comportant un véhicule suiveur tel que précédemment défini et un module de communication équipant la cible mobile.
Système comportant un véhicule suiveur (B) selon la revendication précédente, et un module de communication équipant ladite cible mobile (A). D'autres caractéristiques et avantages de l'invention apparaîtront à la lecture de la description qui suit d’un mode de réalisation préféré de l'invention, donnée à titre d'exemple et en référence aux dessins annexés.
BRÈVE DESCRIPTION DES DESSINS
La figure 1 représente schématiquement un exemple de contexte dans lequel peut s’insérer l’invention.
La figure 2 schématise le principe de la localisation par trilatération.
Les figures 3a, 3b, 3c schématisent différents mécanismes de mesures de distance.
DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE L’INVENTION
La figure 1 illustre schématiquement le contexte dans lequel s’insère l’invention. L’invention permet la localisation d’une cible mobile A par un véhicule suiveur B. La cible mobile A est typiquement un être humain, qui peut être un piéton ou un véhicule, y compris un véhicule robotisé. Le véhicule suiveur B est préférentiellement un véhicule robotisé, c’est-à-dire dont le pilotage est assuré par un mécanisme automatique.
La cible mobile A est équipée d’un module de communication S3. On verra ultérieurement qu’elle peut en comporter davantage, mais un seul suffit pour mettre en œuvre l’invention dans sa généralité.
Le véhicule suiveur B est équipé d’au moins deux modules de communication SI, S2, situés à deux emplacements distincts sur le véhicule. Il est important que ces deux modules soient suffisamment distants pour obtenir les meilleurs résultats de localisation possible. Ils peuvent par exemple être à proximité des deux bords latéraux du véhicule suiveur. Ils doivent être solidaires, c’est-à-dire que leur distance relative ne doit pas varier. Ils doivent être solidaires du châssis du véhicule suiveur.
Les modules de communication SI, S2, S3 sont adaptés pour déterminer des mesures de distance dl, d2, respectivement entre le module SI et le module S3 et entre le module S2 et le module S3.
Ces modules de communication peuvent notamment s’appuyer sur le protocole normalisé IEEE 802.15.4a. Ce protocole est un standard spécifiant que les modules de communication SI, S2, S3 incorporent une couche physique capable de réaliser des mesures de distance. Ce protocole a deux formats de communication : l’IRUWB (pour « Impulse Radio Ultra Wide-Band », en langue anglaise) et le CSSS (pour « Chirp Spread Spectrum Signais ».) L’invention ne réside pas dans le mécanisme de mesure d’une distance, mais, comme nous le verrons par la suite, dans l’exploitation de ces mesures de distances. La mesure de distance peut être effectuée de différentes façons, y compris celles comprises dans l’état de la technique.
Dans le cadre du protocole IEEE 802.15.4a, les méthodes de mesure de distance sont basées sur le principe de mesure du temps de vol (« Time of Arrivai ») nécessaire à un message pour aller d’un module de communication à un autre.
Ainsi, la méthode « Time Of Arrivai » (TOA), appelée en français temps de vol, est une méthode très simple qui permet de calculer la distance entre une station mobile et une station de base.
Pour la généralité de l’exposé, on utilise dans les paragraphes suivants les expressions « station mobile » et « station de base », qui peuvent représenter dans le cadre de l’invention, respectivement, le véhicule suiveur B et la cible à suivre A. Il est à noter que la cible peut elle-même être mobile et que ces termes « station mobile » et « station de base » doivent être compris dans un sens relatif : la station mobile est mobile dans le référentiel de la station de base (dont le référentiel peut lui-même être mobile par rapport au référentiel terrestre par exemple).
Les mécanismes exposés sont illustrés par les figures 3a, 3b, 3c, qui schématisent les échanges protocolaires entre deux stations A, B, en vue de la mesure de distance entre elles.
La méthode « Time Of Arrivai » (TOA) est illustrée par la figure 3 a.
La station mobile A envoie un message RFRAME à la station de base B à la date d’émission te, cette date étant transmise dans le message. La station de base reçoit le message et note la date d’acquisition ta.
La distance d qui sépare la station de base de la station mobile est alors donnée par l’expression d — C.(te-ta) dans laquelle c est la vitesse de la lumière. Le principal inconvénient est qu’il faut que les horloges des deux stations soient parfaitement synchronisées pour obtenir une mesure très précise. Cela demande une infrastructure très difficile à mettre en œuvre.
Pour s’affranchir des problèmes de synchronisation des horloges entre les stations de base et les stations mobiles, la méthode « Two Way Time Of Arrivai » a été proposée. Celle-ci est illustrée par la figure 3b. Elle consiste à faire dialoguer la station de base et la station mobile de la manière suivante :
La station de base A envoie une requête RFRrame req à une station mobile B et enregistre la date d’émission te de ce message,
La station mobile répond à la requête envoyant le message RFRrame_rep à la station de base,
La station de base reçoit le message de réponse et enregistre la date de réception ta.
La station de base A calcule le temps écoulé durant cet échange par l’expression Tr=te-ta, et détermine la distance d qui sépare la station de base de la station mobile par d=c.Tr/2
Les stations de base et mobiles sont donc à la fois émettrices et réceptrices. Le temps Tr étant mesuré par la station de base A, il n’y a pas besoin de synchroniser leurs horloges. Néanmoins, la réponse de la station mobile ne peut être immédiate. En effet, il faut qu’elle décode le message de requête envoyé par la station de base, créée un message de réponse et enfin envoie ce dernier. Ce processus introduit un retard TBa et biaise la mesure de distance. Par exemple, une erreur de quelques nanosecondes introduit des erreurs de Tordre du décimètre. Il est donc important de pouvoir estimer très précisément ce retard.
Il est possible d’utiliser une technique plus élaborée pour obtenir l’estimation de Tfa et donc obtenir une mesure plus précise de la distance.
Cette fois le dialogue entre la station de base et la station mobile est le suivant :
La station de base A envoie une requête RFRramereq à la station mobile B et enregistre la date d’émission du dernier octet du SFD (« Start Frame Delimeter ») du message RFRrame req, La station mobile B répond à la requête envoyant le message RFRramerep à la station de base, en parallèle elle lance un compteur dès que le dernier octet du SFD du message RFRrame rep est lu et l’arrête quand le dernier octet du SFD du message RFRrame rep est envoyé ;
La station de base reçoit le message de réponse et enregistre la date de réception du dernier octet du SFD du message RFRramerep,
La station mobile envoie un second message à la station de base contenant la valeur du T?a estimée à l’aide du compteur,
La station de base reçoit le message contenant l’estimation du retard TÎ,
La station de base envoie un accusé de réception à la station mobile.
Cette fois, il est possible d’obtenir une mesure de distance plus précise en calculant :
Une source majeure d’erreur dans la méthode TW-TOA est le décalage de fréquence d’horloge entre la station de base et la station mobile. Les horloges embarquées dans ces modules utilisent des quartz qui ne fonctionnent pas exactement à la même fréquence. Ainsi des retards ou “des avances” apparaissent dans la mesure du temps de vol qui, multipliés par la vitesse de la lumière, peuvent introduire des erreurs conséquentes dans la mesure de la distance.
La méthode « Symétrie Double Sides Two Way Time Of Arrivai » (SDS-TW-ToA) permet de résoudre ce problème. Une telle technique est illustrée par la figure 3c. L’idée est cette fois d’estimer aussi le temps jfa nécessaire à la station de base pour décoder le message RFRAMErep provenant de la station mobile et de réémettre un second message RFRAMEreq à la station mobile. Ainsi la mesure de distance dsDS est la suivante :
Pour montrer l’apport de cette méthode, on définit les erreurs de fréquences eA et ee des horloges embarquées dans la station de base et dans la station mobile, telles que : et
où RfA et Nfs. représentent respectivement les fréquences réelle et nominale de chacune des horloges. En les introduisant dans les équations précédentes, on obtient
Dans le cadre du suivi de piéton, la mesure de distance est de quelques dizaines de mètres au plus, Tr ne dépassera pas les 100 nanosecondes. En revanche, le temps Tta nécessaire pour traiter le message de requête et lui répondre est de l’ordre de la milliseconde. Cela signifie que le temps de transmission est bien inférieur au temps de traitements des données qui représente la majeure partie de l’erreur sur la mesure de distance :
Nous pouvons donc voir que l’erreur due au décalage de fréquence des horloges est compensée avec la méthode SDS-TW-TOA si
Selon l’invention, les modules de communication SI, S2, S3 peuvent mettre en œuvre de telles mécanismes de mesure de distance. Concrètement, ces mécanismes peuvent être mis en œuvre à l’aide de modules de communication disponibles sur le marché et que le procédé et le dispositif selon l’invention peuvent utiliser.
De tels modules disponibles sur le marché peuvent notamment être ceux de la société Decawave, et plus particulièrement le capteur DW1000. Ce capteur est conforme au protocole de communication IEEE 802.15.4a précédemment évoqué et fonctionne dans une gamme de fréquence de 3.5 GHz à 6.5 GHz avec une largeur de bande de 1 GHz. Il permet la mesure de distance avec une précision de 10 cm. Ce capteur présente entre autres avantages ceux d’avoir un relativement faible coût et d’être de faible dimension, par exemple 23 mm x 13 mm pour le modèle DWM1000.
La figure 2 schématise le principe de la localisation par trilatération.
Le problème que l’on cherche à résoudre est de localiser le module de communication S3 de coordonnées (x, y) en connaissant les localisations des modules de communication SI et S2, respectivement de coordonnées (xl, yl) et (x2, y2) et les distances mesurées dl, d2 entre le module de communication S3 et, respectivement, les modules de communication SI et S2.
La position du module S3 étant le point d’intersection entre deux cercles centrés sur chacun des modules SI, S2 et de rayon di et d2, ce problème peut être très facilement résolu de manière analytique.
La position du module S3 par rapport celle du module SI est alors :
Soit : et
et
La position du module S3 dans le référentiel du “monde” étant :
Il y a bien sûr deux solutions à ce problème, le signe de l’ordonnée y doit être déterminé soit par une contrainte de l’utilisateur soit en ajoutant un troisième module de communication sur le véhicule suiveur.
Ainsi, théoriquement il est possible d’estimer la localisation du module de communication S3 en toutes circonstances.
Cependant en pratique, à cause des bruits de mesure, il s’avère que dans certaines circonstances il n’existe aucune intersection entre les deux cercles et donc aucune solution au problème de localisation.
En outre, les bruits de mesure introduisent des discontinuités très importantes dans le temps. En effet, les bruits de mesure introduisent de fortes variations dans les résultats de localisation, surtout sur la mesure du cap. Ces variations sont brusques, d’où les discontinuités, mais la notion de discontinuité peut être omise. Pour donner un exemple, dans le cadre d’essais expérimentaux effectués par la demanderesse, quand les véhicules sont statiques, l’estimation du cap peut varier de plus ou moins 5° d’une mesure à l’autre à cause des bruits de mesures sur les distances. Le filtre de Kalman mis en œuvre par un mode de réalisation de l’invention permet d’atténuer ce problème tout en fournissant une solution originale aux problèmes de synchronisation.
Par ailleurs, et surtout, les mesures de distance dl, d2 ne sont pas fournies de façon synchrones, alors que les mécanismes décrits ci-dessus supposent une synchronisation des mesures. Comme nous le verrons plus loin, ce phénomène amplifie encore davantage les erreurs sur l’estimation du cap. D’une façon générale, il est difficile de prévoir une synchronisation des flux de messages transmettant les mesures de distance, mais en outre le module de communication S3 dispose généralement d’une interface de communication ne lui permettant de dialoguer qu’alternativement avec les modules de communication SI, S2. Autrement dit, les mesures de distance dl, d2 sont obligatoirement non synchronisées.
Par exemple, le module S3 de la cible mobile dialogue avec un premier module SI du véhicule suiveur pendant une certaine durée, par exemple 5 ms. On peut par ailleurs fixer une fréquence de mesure à 50 Hz. Dans une telle situation, les mesures sont espacées d’au moins 20 ms.
Or, le véhicule suiveur est mobile et par conséquent entre l’instant tl auquel la mesure de distance dl est déterminée et l’instant t2 auquel la mesure de distance d2 est déterminée, il se sera déplacé d’une distance déterminée par la vitesse du véhicule, de sa direction et de la période intermesures.
Par conséquent, les mesures de distance dl et d2 ne correspondent pas à une même position du véhicule suiveur et les méthodes de trilatération ne peuvent plus fonctionner de manière satisfaisante.
Le procédé selon l’invention prévoit des étapes de : détermination d'au moins une première mesure de distance dl entre la cible mobile A et un premier emplacement dans (ou sur) le véhicule suiveur B, correspondant typiquement à un premier module de communication SI, prise en un premier instant tl, détermination d'une seconde mesure de distance d2 entre la cible mobile A et un second emplacement S2 dans (ou sur) le véhicule suiveur B, correspondant typiquement à un second module de communication S2, prise en un second instant t2, détermination d’une prévision du déplacement du véhicule suiveur entre les premier et second instants, tl, t2 et détermination d’une localisation de la cible mobile B par rapport au véhicule suiveur A à partir de ces première et seconde mesures de distance, dl, d2, en prenant en compte la prévision de déplacement, de sorte à compenser le mouvement du véhicule suiveur entre les premier et second instants.
La détermination du déplacement peut typiquement être faite à partir de la mesure de vitesse linéaire du véhicule suiveur et de l’orientation de son train directeur. Préférentiellement, ces mesures sont fournies par les organes de contrôle du véhicule suiveur notamment par les capteurs proprioceptifs embarqués sur ce dernier.
On appelle capteurs proprioceptifs ou capteurs de proprioception les capteurs de mesures sur l’état du véhicule lui-même. Ils s’opposent aux capteurs sur les informations extérieures. Un exemple de capteur proprioceptif est un capteur de vitesse. Ce terme est communément compris par l’homme du métier ainsi que l’atteste la page wikipedia consacrée à la robotique : https://en.wikipedia.org/wiki/Autonomous_robot
Ainsi, en prévoyant la localisation du véhicule suiveur, le procédé selon l’invention peut prendre en compte son déplacement estimé afin de le compenser. Les données de mesure dl, d2 peuvent alors être exploitées de façon valide, et précise malgré leur asynchronisme. Il en va évidemment de même si plus de deux données de mesure sont fournies.
Différents procédés peuvent être mis en place pour prendre en compte l’asynchronisme des mesures de distances ainsi que la précision des données dl et d2. Ces procédés font appel à des techniques de filtrage dont les caractéristiques permettent d’intégrer : 1) l’asynchronisme des données issues des balises 2) le déplacement du véhicule entre les temps tl et t2 3) l’incertitude de déplacement du véhicule entre les temps tl et t2 4) l’incertitude associée aux mesure dl et d2
Parmi les techniques de filtrage les plus répandues les filtres de Kalman et les filtres particulaires sont souvent les plus efficaces mais d’autres seraient tout à fait applicables pour peu qu’elles intègrent les caractéristiques précédemment citées.
Selon un mode de réalisation préférentiel, un filtre de Kalman est utilisé pour déterminer la prévision de déplacement et la localisation de la cible mobile par rapport au véhicule suiveur. Ce filtre de Kalman permet d’inférer et filtrer la localisation à tout instant.
Le vecteur d’état du filtre de Kalman représente les paramètres que l’on veut estimer. Dans le cadre de l’invention, le vecteur d’état Xk du filtre de Kalman reflète la position (x,y) de la cible mobile A à l’instant k tel que
Par construction, le filtre de Kalman estime également la précision de l’estimation à tout instant. Celle-ci est représentée par la matrice de covariance Qk.
Sachant que les mesures de distance entre la cible mobile A et le véhicule suiveur B sont asynchrones, l’une après l’autre, chaque mesure dn,k est comparée à sa mesure a priori dnk/k-i et la localisation de la cible mobile est mise à jour en fonction de leur différence. A chaque nouvelle mesure de distance provenant du module de communication Sn (avec n=l ou n=2, dans le cas de deux modules), l’équation de mise à jour du filtre de Kalman à l’instant k est la suivante :
dans laquelle xn et yn sont les coordonnées de la localisation de l’emplacement du module de communication Snsur le véhicule suiveur.
La mise à jour a posteriori de l’état est effectuée par les équations traditionnelles du filtre de Kalman :
dans lesquelles ad est l’écart type sur les mesures de distances. La Jacobienne de la fonction d’observation est décrite par :
Expérimentalement, on peut montrer que, dans certaines circonstances, le filtre de Kalman peut considérer plus probables des localisations avec une ordonnée négative que celles avec une ordonnée positive. Pour pallier ce problème, on peut mettre en œuvre une estimation sous contrainte, afin d’imposer que l’ordonnée des solutions trouvées soit toujours positive : yk/k-i>Vn, où yn est l’ordonnée des modules Si, S2 du véhicule suiveur. Cette hypothèse implique que le référentiel est choisi de sorte que les deux modules Si, S2 se situent sur une droite parallèle à l’axe x.
Il existe de nombreuses méthodes pour appliquer une telle contrainte dans un filtre de Kalman. On peut, à titre d’exemples, citer celles exposées dans les articles « Kalman filtering with State constraints: a survey of linear and nonlinear algorithms » de D. Simon, in IET Contril Theory and applications, 1303-1318, 2010, et « Constrained Kalman filtering via density function truncation for turbofan engine Health estimation” de Dan Simon et Donald L. Simon, in Int. J. Systems Science, 41(2), 159-171, 2010.
Afin d’utiliser la technologie des filtres de Kalman pour la localisation de la cible par rapport au véhicule suiveur, nous devons définir les nouvelles variables suivantes : (xï,y;) est la localisation du véhicule suiveur dans le référentiel du monde ; ΘΊ est l’orientation du véhicule suiveur dans le référentiel du monde ; (x;,y;) est la localisation de la cible dans le référentiel du monde ; {?p,ÿp) est la localisation de la cible dans le référentiel du véhicule suiveur. On peut définir ce référentiel centré sur le milieu de l’essieu arrière du véhicule, par exemple.
Le modèle cinématique du véhicule suiveur doit ensuite être défini. Un exemple d’un tel modèle cinématique peut être :
dans lequel vr est la vitesse linéaire du véhicule suiveur ; ôr est l’orientation du train directeur, et, L est la voie du véhicule suiveur.
On appelle « voie » la distance entre les roues droite et gauche d’un même essieu.
Il est alors possible de définir le modèle dynamique simple, dit modèle d’Ackermann :
dans lequel
Δτ est le temps écoulé entre les instants k et k-1, c’est-à-dire la période d’échantillonnage.
Les équations ci-dessus décrivent le déplacement du véhicule suiveur dans le monde. Or, notre problème est de connaître le déplacement de la cible dans le repère du véhicule suiveur.
On définit (xrp,yrp)k la localisation de la cible dans le référentiel du véhicule suiveur à l’instant k. On suppose pour le moment que la cible est immobile. A l’instant k+1, la localisation de la cible dans le référentiel du véhicule suiveur est donnée par les équations suivantes :
En utilisant le système d’équations précédent, nous obtenons :
où R(Ae) est une matrice de rotation 2D, fonction de l’angle Δθ.
Toutefois, bien évidemment, la cible peut être mobile, et entre deux instants elle peut se déplacer dans le référentiel du monde.
Nous pouvons écrire :
et l’injecter dans l’équation précédente afin d’obtenir l’équation décrivant la localisation d’une cible mobile par rapport à un véhicule suiveur :
dans laquelle vxv suit une loi normale centrée à deux dimensions A {o,Qxy) dont la matrice de covariance Qxy est définie par l’équation
avec cri l’écart-type du déplacement pouvant être effectué par la cible en une seconde, et ΔΓ le temps écoulé (en secondes) entre les instants k et k+1.
En considérant maintenant que le référentiel de localisation est celui du véhicule suiveur, on peut définir que la localisation (xrp,yrp) est équivalente à la localisation (x,y) précédemment utilisée.
Il est alors possible d’estimer la localisation de la cible à l’aide du filtre de Kalman avec contraintes en utilisant l’équation ci-dessus.
Les équations de prédiction du filtre de Kalman ainsi défini deviennent :
où Qu est la matrice de covariance associée aux incertitudes des informations proprioceptives provenant du véhicule suiveur, telle que :
et
avec cri et σδ données par les caractéristiques des capteurs odométriques du véhicule. Ces grandeurs sont donc à déterminer pour chaque véhicule.
Connaissant la localisation de la cible par rapport à laquelle le véhicule doit s’asservir, il est possible de déterminer une commande visant à adapter la vitesse et la direction du véhicule suiveur. Il est en outre possible d’imposer une distance de consigne entre le véhicule suiveur et la cible.
Différents mécanismes sont possibles pour exploiter la localisation de la cible déterminée par le procédé selon l’invention, et permettant de définir des comportements donnés du véhicule suiveur.
Selon une mise en œuvre particulière, on détermine une commande afin que le véhicule suiveur se dirige vers la cible tout en respectant une inter-distance de consigne pc.
Dans le cas d’un véhicule suiveur ayant un train directeur et un train propulseur, le vecteur de commande est composé de la vitesse au centre de l’essieu arrière vr et de l’orientation du train directeur δΓ. Considérons la location (p, Θ) de la cible à suivre dans un système de coordonnées polaires tel que :
Celle-ci décrit respectivement l’inter-distance mesurée entre le véhicule suiveur et la cible, ainsi que l’orientation que le véhicule suiveur doit suivre pour venir se placer derrière la cible. Pour que le véhicule suive la cible, il faut trouver le vecteur de commande qui assure à la fois que p tende vers pc et que Θ tende vers 0. Le problème est en général traité séparément. On peut corriger le cap du véhicule suiveur en utilisant un correcteur proportionnel :
dans lequel Kpe est le gain proportionnel du correcteur. On peut réguler l’inter-distance entre le véhicule B et la cible A à l’aide d’un correcteur proportionnel intégral :
dans lequel Kpp et Kip sont respectivement les gains proportionnel et intégral du correcteur. L’équation ôr,k=Kpe0k montre que pour corriger le cap du véhicule, il suffit d’orienter les roues du train directeur du véhicule vers la cible. L’équation précédente montre qu’une action intégrale est nécessaire pour réguler la vitesse linéaire du véhicule afin que l’inter-distance soit toujours respectée, c’est-à-dire que la quantité pk -pc tende vers 0.
On remarque que si la cible se dirige vers le véhicule, la quantité pk - pc devient négative et provoquera le recul du véhicule car la vitesse vr,k deviendra également négative.
On peut souhaiter empêcher le véhicule de reculer, notamment pour des raisons de sécurité. Auquel cas, il est possible, selon un mode de réalisation, d’introduire la contrainte suivante :
où ar,k est l’écart-type sur la mesure de distance pk séparant le véhicule et la cible tel que :
avec
Et Pk est la matrice fournie à l’instant k par le module de localisation de la cible. Cette matrice peut être déduite a posteriori ou a priori selon si la commande est effectuée en même temps que la mise à jour du filtre de Kalman ou non.
La description qui précède concerne une mise en œuvre dans laquelle le véhicule suiveur dispose de 2 modules de communication Si, S2, mais il est également possible de considérer plus de 2 modules de communication.
Bien entendu, la présente invention n'est pas limitée aux exemples et au mode de réalisation décrits et représentés, mais elle est susceptible de nombreuses variantes accessibles à l'homme de l'art.