Objet de l'invention
La présente invention concerne une amélioration d'un dispositif
existant pour la coulée continue d'un métal en fusion, en particulier dans le contexte de
la coulée continue en charge verticale de produits plats en acier.
Etat de la technique
La coulée continue est une technique largement répandue, qui
permet de couler l'acier directement d'un récipient de coulée, généralement un panier
répartiteur ou une poche de coulée, dans une lingotière sans fond, de laquelle il est
extrait sous forme d'un brin continu partiellement solidifié. Sous le fond du panier
répartiteur et coaxialement au trou de coulée est fixée une busette réfractaire de
coulée, qui plonge librement dans la partie supérieure de la lingotière proprement dite.
Généralement, la lingotière est en cuivre et est refroidie à l'eau. La busette est
immergée ou non sous le niveau d'acier liquide, encore appelé ménisque.
En fonctionnement, le métal liquide qui s'écoule du panier
répartiteur dans la lingotière, via la busette réfractaire, crée des turbulences au niveau
de la surface libre d'acier sous forme de boucles de recirculation ou de vagues au
ménisque. Ces turbulences sont dues au mouvement d'oscillation que l'on imprime
généralement à la lingotière pour empêcher le collage de l'acier à ses parois.
Elles peuvent encore être dues au fait que le débit n'est pas
constant suite à des modifications accidentelles de la vitesse de coulée ou à des
irrégularités de débit entrant provenant, par exemple, de la détérioration progressive de
la busette.
Ces phénomènes aléatoires qui créent principalement des
fluctuations de niveau et des vagues irrégulières se superposent ainsi aux
phénomènes "constants" cités ci-dessus, en l'occurrence les boucles de recirculation et
les vagues régulières au ménisque résultant de l'écoulement de l'acier liquide ou de
l'oscillation de la lingotière.
On constate donc en pratique qu'il est très difficile de maintenir un
niveau rigoureusement constant de l'acier dans la lingotière, principalement lorsque le
débit d'acier est élevé et lorsque la lingotière est de petite section. Le niveau de l'acier
y fluctue typiquement dans une fourchette de 20 mm pour une lingotière dont la
hauteur est classiquement comprise entre 700 et 1000 mm, la surface libre (ménisque)
étant positionnée typiquement dans une fourchette de 100 à 150 mm par rapport à la
surface supérieure de la lingotière. Toutefois, la fluctuation du niveau de l'acier est
indépendante de la hauteur de la lingotière. L'association du phénomène précédent
avec le fait que la solidification de l'acier est amorcée au niveau du ménisque, c'est-à-dire
au contact du métal liquide avec la paroi de la lingotière en cuivre, a pour
conséquence l'apparition de défauts de surface sur les produits coulés.
Ce problème de qualité de surface est particulièrement aigu en
coulée continue de produits plats, car bon nombre de produits coulés sous cette forme
sont destinés à des applications à hautes exigences de qualité comme dans
l'automobile par exemple.
Une alternative au procédé conventionnel de coulée continue
décrit ci-dessus consiste à dissocier la zone du ménisque de la zone de première
solidification. On a constaté qu'on remédie à la majorité des défauts de surface sur le
produit obtenu en coulée continue en évitant que le ménisque ne s'établisse dans la
même région que celle où commence la solidification de la peau dudit produit.
Une solution a été proposée qui utilise des rehausses en matériau
réfractaire dont les parois internes sont disposées en alignement parfait, aux jeux
d'assemblage mécanique près, avec les parois internes de la lingotière de coulée
continue verticale. Cette solution permet de découpler les fluctuations de niveau de la
surface libre de l'acier, qui est désormais situé dans la rehausse en réfractaire et
l'amorce de solidification sur la paroi latérale de la lingotière. Cette méthode de coulée
continue d'acier avec rehausse en réfractaire disposée au-dessus de la lingotière en
cuivre est appelée coulée continue en charge.
Les contraintes de tenue à l'acier liquide, de résistance au choc
thermique et d'isolation thermique de cette rehausse en réfractaire nécessitent
l'utilisation d'un élément dit de "jonction", également réfractaire, entre cette rehausse et
la lingotière en cuivre. L'élément de jonction doit également être en alignement avec
ces deux derniers éléments. Il doit en outre satisfaire à des critères de conductibilité et
diffusibilité thermique, de résistance au choc thermique, de résistance à l'usure
mécanique (contact avec l'acier solidifié) et chimique (contact avec l'acier liquide) et
d'usinabilité pour sa mise en forme. La "rehausse" est en fait constituée de deux
matières réfractaires différentes, l'une sur laquelle porte la présente demande de
brevet et l'autre pour constituer un "réservoir d'acier liquide", prolongeant la première
vers le haut.
On utilise généralement comme matériau de jonction une
céramique technique, de préférence constituée de ou contenant du SiAION (oxynitrure
d'aluminium et de silicium). Ce matériau est connu comme étant très performant au
niveau de ses propriétés de résistance à l'usure et est notamment utilisé dans les têtes
de soupape de certains moteurs de voiture.
Les essais de mise en pratique industrielle des développements
techniques précités ont été principalement appliqués dans la coulée continue en
charge verticale de produits longs s'apparentant au format billettes, à savoir de petites
dimensions (200 x 200 mm2 maximum) et de sections symétriques (carrés, hexagones
ou ronds). Une lingotière pour billettes ou produits longs est généralement caractérisée
par une section circulaire, carrée ou rectangulaire avec un rapport largeur sur
épaisseur n'excédant pas 2.
Dans l'application pour produits longs, on procède à une
précontrainte d'un joint monobloc, ayant par exemple la forme d'un carré de 150 mm
de côté, par frettage à chaud, pour éviter la fissuration due principalement aux chocs
thermiques en début de coulée.
Par ailleurs, la Demanderesse a déjà proposé une solution de ce
type dans le cadre d'une coulée continue en charge verticale de produits plats en acier,
communément appelés brames. Les caractéristiques de grandes dimensions des
lingotières de coulée continue de brames, par exemple une épaisseur de 200 à 240
mm sur une largeur de 1200 à 2000 mm, ne permettent plus d'utiliser, pour
l'élaboration de l'élément de jonction, la technologie définie dans le cas de la coulée
continue en charge verticale dans le format billettes. Vu la configuration des
composants, on ne peut plus procéder à un frettage à chaud dans un cadre métallique
pour solidariser des réfractaires monobloc.
Selon une forme d'exécution de cette invention, l'élément de
jonction entre la lingotière et la rehausse est constitué d'au moins quatre éléments
allongés, essentiellement de forme parallélipipédique, désignés ci-après par le terme
"barreaux", disposés bout à bout pour former un rectangle dont les dimensions
correspondent à la lingotière correspondante, de grandes dimensions.
Dans le cas du dispositif de coulée continue de produits plats, on
utilise un système de maintien de l'élément de jonction basé sur des butées et des
clames. Des barreaux parallélipipédiques de réfractaire non précontraints sont
disposés côte à côte, par leurs faces latérales, et clamés, notamment
longitudinalement. Le clamage longitudinal, de par son caractère "élastique" (ressorts
de pression), permet de leur assurer une- certaine liberté de dilatation. En vue de
favoriser la résistance à la fissuration de cet élément de joint au cours de la montée en
régime thermique en début de coulée, on a revendiqué dans la demande antérieure un
dimensionnement de ces barreaux tel que :
h.l3/L3 ≥ 0,025 mm,
où h, I et L représentent respectivement la hauteur, la largeur et la longueur du
barreau.
Approche problème-solution
Les essais de coulée continue réalisés par la Demanderesse ont
permis d'affiner les données relatives à la fissuration au choc thermique, en vue de
mettre au point une technique permettant d'éviter toute fissure parallèle à la face des
barreaux de réfractaire constituant l'élément de jonction précité, laquelle face est au
contact de l'acier en fusion.
On a ainsi pu observer une certaine tendance à la fissuration
parallèlement à la face qui est au contact de l'acier, prenant la forme de grandes
"écailles" ou "strates", dans le cas où h.l3/L3 ≥ 0,025 mm.
Cette tendance touche, de manière aléatoire, environ 40% des
barreaux de réfractaire dont le rapport h.l3/L3 est compris entre 0,08 et 0,16. Cette
tendance disparaít complètement pour un rapport h.l3/L3 supérieur à 0,26. Pour h.l3/L3
compris entre 0,16 et 0,26, la tendance est de 25% de fissuration.
L'augmentation du rapport h.l3/L3 s'obtient soit en augmentant la
section des barreaux, soit en diminuant leur longueur. La première solution induit un
surcoût de matière et la deuxième solution induit un surcoût d'usinage et complique les
opérations de montage.
Dès lors, la présente invention a essentiellement pour objet de
trouver une solution non-évidente pour l'homme de métier au problème technique posé
dans le cas où les barreaux présentent un rapport h.13/L3 < 0,26.
Buts de l'invention
La présente invention vise à fournir une solution qui permette de
s'affranchir des problèmes inhérents à l'état de la technique.
En particulier, l'invention a pour but de proposer un élément de
jonction en réfractaire entre la lingotière et la rehausse pour un dispositif de coulée
continue en charge verticale d'un métal en fusion sous forme de produits plats, où
l'élément de jonction se présentant sous forme de barreaux clamés longitudinalement
est exempt de fissures lorsque le dispositif est en service aux différents régimes
thermiques habituels.
Principaux éléments caractéristiques de l'invention
La présente invention se rapporte à un dispositif pour la coulée
continue en charge verticale d'un acier en fusion sous forme de brames, mettant en
oeuvre une lingotière en cuivre qui est prolongée par une rehausse constituée d'une
matière réfractaire, ladite rehausse étant positionnée au-dessus de ladite lingotière de
telle sorte que le niveau d'acier liquide, ou ménisque, soit situé lors de l'opération de
coulée continue dans la rehausse précitée en réfractaire et non plus dans la lingotière
en cuivre proprement dite, ledit dispositif comportant en outre un élément de jonction
en réfractaire disposé entre ladite lingotière en cuivre et la rehausse en réfractaire
précitée et constitué d'un assemblage d'une pluralité d'éléments allongés, appelés
barreaux, ledit assemblage, maintenu de préférence par des butées et clames, ayant
une forme intérieure identique, de préférence rectangulaire, à celle de la lingotière et
dont les faces intérieures sont dans le prolongement des faces intérieures
correspondantes de la lingotière, caractérisé en ce que chaque barreau est tel qu'il
présente :
- un rapport h.l3/L3 inférieur à 0,5, et de préférence inférieur à 0,35, où h, I et L sont
les dimensions du barreau, à savoir respectivement la hauteur ou dimension de
section du barreau sensiblement parallèle au sens de progression de la brame, la
largeur ou dimension de section du barreau sensiblement perpendiculaire au sens
de progression de la brame et la longueur du barreau, ces trois dimensions étant
exprimées en mm ;
- un usinage sur chacune de ses deux faces latérales, situé du côté au contact de
l'acier liquide, deux de ces usinages situés sur des barreaux positionnés de façon
contiguë dans ledit assemblage coopérant pour former une gorge également située
du côté au contact de l'acier liquide.
Avantageusement, la matière utilisée pour réaliser un barreau est
une céramique technique et comprend préférentiellement de l'oxynitrure d'aluminium et
de silicium (SiAION).
Selon une forme d'exécution préférée de l'invention, l'usinage
réalisé dans la face latérale du barreau a une largeur comprise entre 0,01 et 0,03 mm,
de préférence 0,02 mm et une profondeur comprise entre 5 et 15 mm, la gorge
correspondante formée par deux barreaux contigus ayant une largeur comprise entre
0,02 et 0,06 mm, de préférence 0,04 mm.
Selon une caractéristique particulière de l'invention, chaque
barreau est appuyé sur une butée arrière, qui a pour fonction de le positionner dans un
alignement parfait, aux jeux de montage mécanique près, avec la face de la lingotière
dont il est le prolongement et d'éviter que le barreau ne soit repoussé vers l'arrière par
la brame.
De préférence, chaque barreau est en outre usiné pour recevoir
une clame de maintien, celle-ci assurant la double fonction d'une part, de presser
verticalement le barreau pour qu'il reste en contact avec le bord supérieur de la
lingotière au cours d'un mouvement d'oscillation de cette dernière, et d'autre part,
d'éviter que le barreau ne s'écarte de l'alignement de la face de la lingotière qu'il
prolonge en se déplaçant vers le centre de la brame, éventuellement ne tombe dans
l'acier au cours du démarrage de l'opération de coulée continue.
Selon une forme alternative d'exécution, on utilise pour le maintien
des barreaux une clé de positionnement, insérée à la fois dans la face supérieure de la
lingotière et la face inférieure des barreaux. Cette clé coopère avec une clame
supérieure dont la fonction est d'assurer la pression verticale.
Toujours selon l'invention, on dispose des moyens pour que les
différents barreaux restent en contact les uns avec les autres et ce indépendamment
de la température de travail à laquelle ils sont, ces moyens exerçant une pression
suivant l'axe longitudinal des différents barreaux juxtaposés le long d'une face de la
lingotière de manière à garder en contact les différents barreaux.
Avantageusement, lesdits moyens exerçant une pression suivant
l'axe longitudinal des différents barreaux sont des ressorts comprimés.
Brève description des figures
La figure 1 représente schématiquement les dimensions d'un
barreau individuel de l'élément de jonction pour lingotière de coulée continue en
charge verticale.
La figure 2A représente schématiquement une séquence de
barreaux de réfractaire, de préférence de SiAION, clamés longitudinalement selon l'état
de la technique, avant coulée.
La figure 2B représente schématiquement la même séquence
présentant une dilatation différentielle caractéristique lors de la montée en régime
thermique de la lingotière.
La figure 3 représente une vue en perspective de l'assemblage de
deux barreaux de SiAION usinés selon la présente invention.
Description d'une forme d'exécution préférée de l'invention
Les dimensions d'un barreau 1 individuel de réfractaire, de
préférence de type céramique technique tel que le SiAION, sont représentées sur la
figure 1. Les figures 2A et 2B représentent la forme que prend une séquence de
barreaux clamés longitudinalement, respectivement avant et pendant la coulée, lors de
la montée en régime thermique.
La fissuration parallèle à la face 3 du barreau observée doit être
impérativement évitée car la "strate" formée risque de se détacher, ce qui entraínerait
un arrêt quasi immédiat de la séquence de coulée par accrochage de l'acier en cours
de solidification sur l'arête supérieure de la lingotière en cuivre, mise à découvert
précisément du fait de l'enlèvement du morceau de barreau (céramique, SiAION).
Une éventuelle fissuration perpendiculaire à la face 3 au contact
de l'acier est quant à elle beaucoup plus acceptable. En effet, les moyens de clamage
et de pression longitudinale 2, décrits dans une demande de brevet antérieure,
permettent de maintenir en place de façon acceptable un barreau présentant une telle
fissure.
La génération de fissures parallèles peut s'expliquer par le fait que
la face au contact de l'acier liquide s'échauffe en premier. Elle se dilate donc plus vite
que la partie arrière du barreau. Celui-ci acquiert en conséquence une forme
trapézoïdale (voir figure 2B).
L'innovation apportée par la présente invention consiste à
pratiquer un usinage 4 de préférence de 0,02 mm de large sur environ 10 mm de
profondeur, au niveau des faces latérales 5 des barreaux (voir figure 3). La valeur de
0,02 mm a été choisie pour éviter les pénétrations d'acier dans la gorge 6 ainsi créée
par adjonction de deux barreaux contigus (gorge 6 dont l'épaisseur est de 2 x 0,02 =
0,04 mm). Une telle pénétration d'acier serait en effet fort dommageable à l'installation.
Selon les tests effectués, la solution proposée dans le cadre de la
présente invention permet de :
- s'affranchir de toute fissure, parallèle ou perpendiculaire, pour h.13/L3 supérieur à
0,16;
- s'affranchir de toute fissure parallèle et induire un taux de seulement 20% de
barreaux présentant une fissure perpendiculaire pour h.l3/L3 compris entre 0,08 et
0,16.